27/10/2017

Pérou : El gringo en la sierra

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24/07/2017 - 07/08/2017 ; Lima - Huaraz - BambamarcaEl alamor

Je sors de Lima la capitale du Pérou sans trop de soucis. Pas mal de trafic mais pas aussi dense que je l'avais imaginé. Quelques kilomètres au nord, la Panaméricaine se sépare en deux. Une route directe par la côte accessible seulement aux camions et une route qui fait un détour "inutile".
Pourquoi accessible seulement aux camions ?
Aucune idée !
Je prends la route directe, réservée au poids lourds, car je sais qu'ici au Pérou les panneaux, sont là pour la "figuration". Personne ne les respecte. Je fais comme tous les péruviens, je transgresse les règles. Au péage, la police est là, mais je passe innocemment, sans les regarder. Aucun camion ne semble étonné de me voir là. Pas de coup de klaxon intempestif . Le paysage ne change pas: des dunes de sable sur la droite et l'océan Pacifique sur la gauche.

Après presque 200km je repars vers la montagne. Je préfèrerais suivre la côte, profiter du vent de dos et des longues routes plates, mais cette partie du Pérou est réputée dangereuse pour les cyclistes. Encore cette année plusieurs cyclistes se sont fait braquer par des mototaxis.
Le ministère des affaires étrangères classe certaines zones au Pérou comme dangereuses alors qu'elles sont tranquilles ! Cette partie là qui n'est pas sûre n'est pas indiquée sur leur site internet. C'est à n'y rien comprendre. En tout cas je préfère éviter cette zone qui s'étend de Trujillo jusqu'à Chiclayo. Je bifurque donc vers la montagne. J'aime les grands cols et leurs paysages, mais je suis pressé. Mon frère arrive en septembre au Costa Rica et il me reste beaucoup de chemin à parcourir.

Je suis au niveau de la mer. Le premier col est à 4140m d'altitude, 125km de montée ! Je grimpe en deux jours: 50km le premier, je dors à 800m d'altitude suivi d'une grosse journée de 75km pour 3340m de dénivelé positif. Je monte, monte et monte. Les premiers kilomètres sont durs. J'ai un nuage de chitras autour de moi. Ce sont des moucherons suceurs de sang qui me dévorent. Contrairement aux moustiques, ces insectes vous mordent et vous font saigner ! Impossible de s'en débarrasser. Jusqu'à 2500m d'altitude je subis leurs morsures . Puis le froid aidant, la nuée me laisse seul face à la pente.
En fin de journée j'arrive au col. Je monte ma tente, je bois un café et je m'endors comme un nouveau né, emmitouflé dans mon duvet. Le café ou plutôt la caféine n'a aucun effet sur moi après une journée de montagne. Je pourrais en boire des litres et m'endormir  quelques minutes après.
 Au petit matin, tout est gelé autour de moi. J'attends que le soleil fasse fondre le givre de ma tente avant de me mettre en selle. La vue sur la Cordillère Blanche est magnifique. Les sommets enneigés, à plus de 6000m, ont donné son nom à cette partie de la Cordillère des Andes. Les neiges éternelles forment une bande blanche à l'horizon qui illumine le paysage dès que le soleil brille.

Dommage que le trafic routier incessant perturbe le calme de ces montagnes. A chaque fois qu'une voiture s'apprête à me doubler, j'entends un coup de klaxon. Juste pour m'informer: "je te dépasse". Je ne comprendrais jamais cet excès de zèle. Des centaines de klaxons par jours, ça use les nerfs. A la fin de la journée je deviens presque irritable.
Et c'est sans compter les "gringo" que les gens crient quand ils me voient.
Quand je discute avec eux, ils finissent toujours leurs phrases par gringo:
- Où vas-tu gringo ?
- D'où viens-tu gringo ?
- Combien coûte ton vélo gringo ? ...
La ponctuation en quelque sorte.
Selon le ton, le sobriquet "gringo" est affectueux, envieux voire méprisant.




Après avoir traversé la ville surpeuplée d'Huaraz je passe par le canyon Del Pato. Splendide ! Deux grandes falaises de chaque côté. Une route taillée dans la roche et de jolis tunnels. Aucun n'est éclairé, un noir intense, pas un faisceau lumineux dès que le tunnel fait plus de 100m. Je suis obligé d'utiliser ma lampe frontale pour voir et être visible. Heureusement que ça descend, car j'ai un fort vent de face. Impossible de rouler détendu, je dois pédaler en permanence. Arrivé à Chuquicara, à 700m d'altitude, la route remonte. Montées, descentes, je fais le yoyo les jours suivants: entre 1500m et 2000m de dénivelé positif par jour. La route alterne entre piste et goudron.
A l'approche des villages je rencontre quelques véhicules, mais très peu en dehors. Les péruviens qui peuplent ces régions sont pour la plupart agriculteurs ou bergers, et ne possèdent pas grand chose à part un petit bout de terrain et quatres mur en adobe. La terre crue qui sert à la construction des maisons est un excellent isolant qui emmagasine la chaleur solaire dans la journée et la restitue lentement toute la nuit. Ce matériau disponible sur place est essentiel à la construction sur les hauteurs andines.

Je passe quelques bons moments à discuter avec les paysans que je rencontre au bord des routes.
En pleine montée, une femme gardant des brebis m'interpelle :
- Ou vas-tu ?
On discute un petit moment, je raconte un peu de mon parcours, puis avant de partir elle me dit :
- moi aussi j'aimerais connaître le monde, voyager comme toi. Mais tu vois, je n'ai rien à part mes brebis et une petite maison.
Gêné,  je ne sais quoi répondre.
Le même jour je fais la rencontre d'un club de cyclistes de Trujillo, une ville péruvienne sur la côte.  Le responsable m'invite à partager le dîner et à dormir.  Je passe une agréable soirée à discuter de vélo et de voyage. Je questionne les cyclistes sur la vie de tous les jours au Pérou. Une vie simple de péruvien moyen faite de travail la semaine et de sorties en vélo dans la Sierra durant le weekend.

Après onze jours à la montagne je redescends vers la mer et la ville de Chiclayo. 55 kilomètres de pure descente d'un trait de 3000m à 800m d'altitude, le rêve du cycliste ! J'évite la ville Chiclayo en passant par une piste poussiéreuse et je traverse des paysages arides jusqu'à l'approche de la frontière avec l'Equateur.
Sur quelques kilomètres, l'homme a transformé le désert en immenses champs de bananes. Le long de cette route les habitations en tôle succèdent aux maisons closes. De la musique, des filles en petite tenue devant la porte d'entrée, en pleine après-midi. Au moins on devine où les péruviens et peut-être les équatoriens viennent dépenser leur solde.
La cuisine péruvienne, ne casse franchement pas des briques. Des soupes, du riz, du poulet.
Sur la côte je goûte le "ceviche": des poissons crus marinés dans un jus de citron servis avec quelques légumes.
Dans la Sierra la spécialité c'est la cuy (cochon d'inde). C'est un plat rare que je n'ai pas eu l'occasion de goûter. Je ne suis jamais arrivé au bon moment dans les restaurants . Au Laos en Asie j'ai gouté à tout ce qui avait quatre pattes. Pas de regrets, le cochon d'inde n'était pas ma priorité culinaire.

Les prix des plats dans la Sierra du sud étaient équivalent à la Bolivie. 1-3€ pour un déjeuner comprenant soupe et plat principal. Pas cher ! Au nord c'est souvent le double. Pas super bon marché au vu de la qualité de la nourriture.
Je suis revenu aux fondamentaux des vagabonds: cuisine avec mon réchaud à essence: pâtes et riz au menu avec un peu de pain: très bon marché, mais souvent sec et sans goût ☹.

Vous l'aurez compris, la cuisine péruvienne ne m'a pas enchanté. Et je n'ose pas parler du fromage. Enfin ce qu'ils appellent fromage. Une pâte dure qui a quasiment toujours le même goût quelque soit le parfum !

Prix pour Gringo

Le Pérou est un pays bien plus touristique et développé que son voisin la Bolivie. Tout le monde essaie d'en tirer profit. Il n'est pas rare de se voir demander un prix bien plus élevé que les locaux.
C'est le prix pour "gringo".
J'arrive parfois à négocier, mais il m'arrive souvent de repartir sans rien acheter car les vendeurs ne veulent pas baisser le prix. Les péruviens considèrent que le blanc est riche et doit payer plus cher ! Dans ce cas-là je file au supermarché. Les prix sont plus élevés que sur les marchés, mais au moins, je suis sûr de payer le même prix que les péruviens. J'ai moins l'impression de me faire "arnaquer".
Et puis dans la rue où sur les marchés, quand je sors un billet de 20Sol (5.5€) ou plus, les vendeurs font la moue. Ils n'ont jamais de monnaie et ne font pas l'effort d'aller en faire. C'est à moi de me débrouiller pour trouver une âme charitable voulant bien échanger mon billet contre quelques pièces.
Mais "c'est le Pérou".



Statistiques

Distance :  1720 km
Nb jours : 15
Nb jours de vélo : 15
Nb jours de repos : 0
Etape la plus longue :  151 km
Etape la plus courte :  69 km

Plus haut col : 4140 m, Conococha

Total depuis le début

Distance : 48005 km
Nb jours : 680
Nb jours de vélo : 478
Nb jours de repos : 202
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 5130m, Abra Azuca, Pérou

Crevaison : 12
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -10°C ( Paso San Francisco, Chili)





La Suite...

05/10/2017

Pérou : un challenge à plus de 5000m d'altitude

2 comments

01/07/2017 - 23/07/2017 ; Yunguyo - Espinar - Quiñota - Huacullo - Cotahuasi - Lima

Esteban, Zia et Tao à la recherche des merveilleuses cité d'or, un dessin animé que je regardais enfant. Des condors, des Incas, des cités antiques, de l'or ... Voilà à quoi me faisait penser le Pérou avant que je traverse la frontière. La réalité est bien différente.
Un tampon et nous voilà du côté péruvien du lac Titicaca à 3800m d'altitude. Cinq cyclistes français roulant sous la pluie et dans le froid. A cette altitude lorsque le soleil s'en va le froid arrive !
Pas de grand changement par rapport à la Bolivie. Les gens parlent toujours espagnol, ils sont habillés de la même façon, les mêmes menus dans les restaurants, ... Il y a juste un peu plus de trafic sur la route et quelques tuk-tuk. Je n'en avais plus vu depuis l'Asie.

La plupart des cyclistes tombent malades en Bolivie et au Pérou. Et c'est ce qui arrive à chacun de nous à notre tour. Rien de bien méchant: fatigue, maux de ventre et des envies pressantes de vider ses intestins. Il faut dire que l'hygiène dans les restaurants est loin d'être irréprochable. L'eau du robinet n'est pas potable. Nos pauvres estomacs d'européens ne le supportent pas bien. Fatigués par ces petits maux et les journées de vélo, nous passons nos nuits à l'abri dans des hôtels pas chers (1 à 3€), que les touristes moyens peuvent considérer comme minables. Rouler à plusieurs quand la forme n'est pas là, ça rassure. On roule à la vitesse du plus lent et on s'encourage mutuellement. Ces désagréments digestifs ne nous empêchent pas de continuer à manger dans la rue où dans les petits restaurants de bord de route. Les menus ne changent pas trop de la Bolivie: soupe, riz, patate, poulet, ... mais avec quelques épices et une dose d'huile sur le riz. Ça change tout ! Et c'est toujours aussi peu cher: de 1 à 3€ pour le déjeuner du jour.

Comme en Bolivie ce sont principalement les femmes qui cuisinent. Les prix des repas sur ces petites remorques de rue où l'on mange assis sur un banc en face de la cuisinière sont dérisoires. Les restaurants en dur sont un peu plus chers sans que les plats ne soient meilleurs. On goûte la truite locale tout en sachant qu'elle n'est pas sauvage. Le poisson est élevé dans le lac Titicaca. En roulant sur les bords du lac on a aperçu les cages, sans aucun bateau de pêche .

Juste avant Puno, un dimanche après midi, on entend au loin de la musique. C'est un mariage. Musique à fond, ça danse et ça picole. Un léger signe de la main et on passe notre chemin. Quelques kilomètres plus loin, rebelote, encore un mariage. Cette fois-ci, on pose nos vélos et on observe le spectacle. Des dizaines de voitures au bord de la route, une estrade avec une sono énorme, un animateur entouré d'une centaine de personnes habillées en costume typique andin. Les femmes portent une jupe ample plissée, un poncho coloré et le chapeau de feutre  des Andes, alors que les hommes  arborent des costumes lustrés impeccables. Les péruviens sont pauvres, mais ils peuvent dépenser des fortunes pour le mariage de leurs enfants. Tout le village semble invité à la fête. Les convives nous proposent des bières puis nous invitent à danser. Pas bien difficile, il suffit de tourner autour de caisses de bières tout en buvant son verre. En participant à la fête on devient vite l'attraction principale du mariage. Les gens nous filment, nous parlent, bien que l'on ne comprenne pas grand chose. On n'a pas encore appris l'espagnol à la sauce "Inca éméché" . Difficile d'imaginer la même situation en France, où l'intrusion dans une fête est souvent perçue comme une menace. Après quelques bières on tire notre révérence. Tout le monde est saoul, la nuit approche. Il est temps de filer.




A Ayaviri, c'est l'appel du challenge qui me fait quitter mes compères. Ils s'en vont vers Cusco et moi vers la solitude de la haute montagne. Le Machu Pichu ne me tente pas: trop touristique, trop cher. Le prix d'entrée et le transport, c'est mon budget pour quinze jours !  Une autre fois, peut-être quand je serai vieux.

Le Pérou possède sûrement les plus belles et les plus hautes routes du monde.
Le site AndesBybike en répertorie une kyrielle. Je décide de réaliser un mélange de ces deux routes : caylloma-to-quinota  et abancay-to-cotahuasi, aspiré par les grands cols à plus de 5000m d'altitude, les paysages féeriques, le calme des nuits au milieu de nulle part, ... En quittant mes compères je quitte également la facilité de la route goudronnée. C'est parti pour 600km de pistes. Mon smartphone et l'application maps.me me sont d'une grande aide. Des croisements partout et pas un panneau, demander mon chemin n'est pas envisageable: trop peu de trafic ☹.
La piste alterne entre très bon et très mauvais état avec quelques zones de travaux horribles et des cols à plus 4500m. Les pentes sont douces, pas besoin de pousser. Et même si ça fait un mois que je suis sur ces hauts plateaux à plus de 4000m, j'ai toujours le souffle court.

Les camions qui ravitaillent les mines me croisent dans un nuage de poussière. Les ouvriers sur les chantiers routiers m'interpellent systématiquement comme en Bolivie, me demandant où je vais, d'ou je viens, ...
Mais aussi combien coûte mon vélo.
Je ne comprends pas pourquoi cette question les obsède.
Ma réponse dépend du ton.
Certains m'abordent d'un : "combien coûte ton vélo ?". Pas de "bonjour", ni de "ça va", ... où toute autre forme de politesse. Au début ça surprend mais on s'y fait. Suivant le ton de mon interlocuteur, je réponds: c'est 100 ou 200$.
Avec les plus véhéments je m'amuse :
"En France les vélos sont gratuits parce que c'est écologique"
ou "je l'ai volé en arrivant à l'aéroport", ...
Tout dépend de mon degré d'imagination.

Ils me posent beaucoup de questions sur l'argent:
-  combien dépenses-tu?
-  quelle somme as-tu sur ton compte en banque ?, ...
J'élude systématiquement les questions.
Pourquoi dois-je mentir sur la valeur de mon vélo ?
Parce que son prix est trop élèvé par rapport au niveau de vie dans les contrées reculées.
Je ne veux pas attiser les convoitises. En Bolivie le salaire mensuel moyen est de 185$, au Pérou de 480$, mais dans les zones isolées c'est de cinq à dix fois moins. Un objet de valeur est une tentation que je veux minimiser.
Je mens également sur la durée de mon voyage.
En effet, si je dis:
 - je voyage depuis deux ans sans travailler
Les gens me répondent souvent:
- tu dois être riche ! Donne moi ceci ou cela.
Les péruviens ne sont pas agressifs, mais je dois toujours être méfiant.
Heureusement je rencontre aussi des gens extraordinaires comme ce groupe d'ouvriers qui m'invite à partager leur déjeuner : soupe, poulet, riz et jus d'ananas en dessert .

Les petites villes d'Espinar et de Santo Tomas me rappellent que même perdu sur ces hauteurs l'homme vit. En dehors de ces bourgs, il y a juste quelques petits hameaux. Une poignée de maisons près d'une source ou d'un ruisseau où les paysans andins élèvent principalement des lamas, des alpacas et cultivent du blé. Peu de machines, la plupart du travail est fait à force humaine. Un travail de titan ! En discutant avec un paysan je lui explique qu'en France tous les travaux agricoles se font avec des machines.
Il me répond:
- tu vois nous, on travaille comme nos ancêtres les Incas !

Juste avant Quiñota je rentre dans le dur. Je quitte la piste principale. En avant pour 300 km de pistes menant à des mines ou des villages minuscules. Je traverse quelques ruisseaux et rivières; pas de pont, c'est passage à gué. Le décor est désertique: pas d'arbre, seulement une herbe jaunie qui est la nourriture préférée des lamas. Je trouve malgré tout, des points d'eau tous les jours. L'eau est pure, elle coule directement des montagnes, nul besoin de la filtrer.
Pas de trafic, je ne croise pas plus de deux à cinq voitures par jour. Je parcours "de courtes distances", rarement plus de 70km en 7 à 8 heures de vélo. 1500m à 2000m de dénivelé positif chaque jour, à plus de 4000m, c'est éprouvant. Certaines pentes sont à plus de 20%. Je pousse mon vélo, m'arrête tous les 50 mètres pour reprendre mon souffle. Jamais je n'ai senti mon vélo aussi lourd. Mais ce "combat" en vaut largement la peine. Ces paysages magiques se méritent.

Je franchis plusieurs cols à plus de 5000m : Abra Azuca 5130m, Abra Loncopata 5119m, Abra Huarcaya 5057m et Abra Culipampa 5024m.  Je trouve ces montées de cols moins difficles que celles que j'ai grimpées dans le vent et le froid entre l'Argentine et le Chili. C'était l'hiver austral. La température ressentie était glaciale. Depuis je me suis bien acclimaté à l'altitude et la feuille de coca que je mâche tous les jours me donne l'énergie de monter jusque dans les nuages . A chaque passage en haut d'un col, je prends le temps d'apprécier le paysage, c'est une récompense supplémentaire et aussi le piquant qui rend ces moments inoubliables. Le temps est superbe, peu de vent, ciel bleu avec un soleil qui me réchauffe.
Le paradis !
J'ai atteint le but que je m'étais fixé: passer au moins un col à 5000m d'altitude. Cette idée, qui m'est venue en Nouvelle Zélande en parcourant les montagnes de l'Ile du Sud, me tenait vraiment à cœur, m'obsédait. Je ressens un grand sentiment de satisfaction, comme lorsque j'étais enfant après avoir réussi à terminer un jeu vidéo ou à monter un Lego Technic.

Tous les jours je traverse un petit "village" où je peux me ravitailler. Pâtes, riz, gâteaux, ... La nourriture basique, mais ça me suffit. J'ai appris en Australie en traversant les déserts à me contenter du minimum et du plus léger. Alors, quand je vois une auberge, j'en profite pour passer une nuit "au chaud", ou plutôt moins froide. Sous la tente il fait entre -2°C et -8°C, à l'intérieur de l'auberge 5 à 8°C, aucun chauffage, pas de douche chaude, juste un lit, quatre murs et un toit. Mais c'est tout de même nettement plus confortable, surtout au réveil le matin, pas besoin de ranger les affaires dans le froid .
Au détour d'un chemin je rencontre un cycliste local: un berger à vélo. Je n'ai pas trop bien compris ce qu'il me racontait. J'avais l'impression qu'il parlait une autre langue que l'espagnol. Il est très rare de rencontrer des autochtones en vélo dans les montagnes péruviennes. Certains ne savent même pas ce qu'est un vélo.
En montrant mon vélo, des enfants m'ont demandé:
- qu'est-ce c'est que ça ?
- una bicicleta amigo
Les paysans andins que je rencontre sont étonnés de voir un blanc en vélo perdu dans la sierra. Ils ont l'image du blanc "riche", qui roule en voiture, et ne s'arrête pas au milieu de nulle part pour parler avec le berger qui rassemble ses moutons ou ses lamas. Cette relative richesse est signe de confort comparativement à leur vie très rude. Toujours aimables et curieux, ils me demandent la plupart du temps: "où vas-tu". Quand je leur cite un village éloigné ou Cotahuasi, la "grande" ville la plus proche, la plupart ne connaissent pas. A croire qu'ils n'ont jamais mis un pied derrière le col ☺.

Je parcours 250km au-dessus de 4000m d'altitude plus 160km au-dessus de 4500m, et c'est la descente vers Cotahuasi à 2600m d'altitude avec une vue époustouflante sur le canyon. J'ai pris énormément de plaisir. Cette route d'altitude reste une des plus belles que j'ai parcourue depuis le début de mon voyage il y a deux ans !
Avant d'arriver à Cotahuasi je prends un bain dans les sources thermales de Luicho. L'eau coule de la montagne à une température de 33°C dans trois bassins successifs. Un pur bonheur, la relaxation après sept jours de douches glacées.
Je coupe ma grosse barbe et je me rase la tête avant de redescendre vers la mer. Un dernier col à 4600m puis vient la descente vers la côte, vers le Pérou peuplé, vers la civilisation. Une dernière rencontre magnifique au milieu de la sierra avec un camionneur qui à 8h du matin s'arrête, me donne une brioche et s'en va en me disant: "suerte amigo" "bonne chance l'ami'. 






Fini les routes de montagnes silencieuses, place au goudron et aux camions sur la Panaméricaine. Juste avant Aplao je rencontre quatre vieux péruviens attablés devant un kiosque. Quand je passe à leur hauteur, ils se mettent à hurler pour que je m'arrête et m'invitent à leur table. Comme pour le maté en Argentine, ils ont une bière et un verre qu'ils font tourner. Le premier se sert, puis passe la bière au suivant qui attend le verre. A mon tour, je bois un peu et je donne le verre à celui qui se trouve à ma droite. Le verre tourne vite: en 30min on écluse  quatre litres. Puis, tous s'en vont bourrés comme des coings et me laissent avec un bouteille "d'Inca kola": le "soda" local. Mes compères mélangeaient ce soda avec leur bière. Je déguste ce breuvage au goût chimique de chewing-gum: pas ragoûtant du tout ! Je m'éloigne bien éméché à la recherche d'une place pour passer la nuit. Pour aujourd'hui, terminé le vélo ! 

Sur la côte pacifique, pas de plages de sable fin ni de cocotiers. En direction du nord, à gauche de la route: falaises, plages de sable noir et mer déchaînée, à droite: le désert avec ses dunes et ses collines rocailleuses. Les seules taches vertes sont les bords des grandes rivières venant de la Cordillère des Andes où l'on trouve toutes les cultures en terrasse. Je passe mes journées à rouler. Grâce au vent de dos, j'arrive à faire plus de 130km en 7 à 8 heures. Le paysage est plutôt joli mais le temps est moche: pas de pluie, uniquement des nuages et une brume permanente. Quand je trouve un bon endroit pour la nuit, je plante ma tente. Mais je n'hésite pas non plus à prendre un hôtel. Mon budget me permet ce luxe abordable et confortable.
Ces six jours pour atteindre Lima n'ont pas été les plus agréables de mon voyage. Le retour dans l'enfer du trafic de la route panaméricaine est assez brutal. Les villages de bord de mer sont sans charme et plutôt sales. Ça ne donne pas envie de trainer.

Seul fait marquant : un tremblement de terre aux alentours d'Atico qui m'a surpris sous la tente en pleine nuit. C'est la première fois que je ressens le mouvement du sol ! Pourtant des tremblements de terre j'en ai connus plusieurs: Indonésie, Nouvelle Zélande, Patagonie chilienne. Mais je ne les avais jamais ressentis. La nuit je dormais profondément et j'étais trop loin de l'épicentre. Un grondement sourd et une sensation d'instabilité m'a brusquement réveillé. J'ai mis un peu de temps à comprendre ce qui se passait.  Je suis sorti pour écouter les bruits alentours. Silence complet, tout va bien, je retourne dormir . J'apprendrais le lendemain, que les dégâts de la secousse sismique ont provoqué la coupure de la route panaméricaine  quelques kilomètres derrière moi.

Lima ne m'a pas enchanté. Deux petites nuits afin de me reposer et je reprends la route du Pacifique, la panaméricaine direction plein nord.

Attention chiens méchants

 Je n'ai jamais été un grand ami des animaux, je le suis encore moins des chiens péruviens: je les déteste !
Sur cette côte, dans chaque village, les chiens me poursuivent, aboient, montrent leur crocs, m'attaquent comme s'ils voulaient ma mort. S'enfuir, pédaler, ne sert à rien, ils sont trop rapides.
Ma tactique à la rencontre d'un chien agressif: je m'arrête, je descends de vélo et je me tourne vers lui en mettant mon vélo en protection entre lui et moi. S'il ne s'arrête pas je hurle. S'il se rapproche je saisis une pierre. A ce moment là, la majorité des chiens s'arrêtent et font demi-tour. A croire qu'ils sont habitués à se faire tirer dessus. Si la bête s'approche encore je lui tire dessus en visant à côté. Et pour les plus téméraires je les fusille de cailloux gros comme mon poing. Et je peux vous dire qu'après ça ils ne font plus les malins. Je n'aime pas faire de mal aux animaux mais quand tu as trois ou quatre chiens qui te poursuivent les crocs dehors, il faut se défendre !
Tous les jours je me fais "attaquer" plusieurs fois.
Maudits clébards !!!





Deux ans à dormir dehors

Le 10 juillet 2017 j'ai fêté mes deux ans de voyage avec une bière péruvienne. Cette année a encore été riche en découvertes et rencontres: le vent patagonien, les grands cols des Andes, le maté argentin, la culture bolivienne, ... Mais aussi l'hospitalité et la joie de vivre des argentins, la générosité des boliviens et des péruviens. 730 jours de voyage et j'ai vu si peu de cette magnifique planète.

J'ai encore du temps devant moi et l'envie de m'émerveiller.
L'aventure continue !!!

Statistiques

Distance :  1998 km
Nb jours : 24
Nb jours de vélo : 23
Nb jours de repos : 1
Etape la plus longue :  165 km
Etape la plus courte :  54 km

Plus haut col : Abra Azuca 5130m, Pérou

Total depuis le début

Distance : 46285 km
Nb jours : 665
Nb jours de vélo : 463
Nb jours de repos : 202
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 5130m, Abra Azuca, Pérou

Crevaison : 12
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -10°C ( Paso San Francisco, Chili)



La Suite...