16/11/2017

Colombie, Équateur : d'un hémisphère à l'autre

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8/08/2017 - 25/08/2017 ; El alamor - Quito - Cali


Plus je me rapproche de la frontière avec l'Equateur, plus le paysage devient sec. Moi qui pensais que ce pays était couvert de jungle, je suis choqué . Personne sur la route et encore moins au poste de douane. Rien pour changer mes derniers Sol en Dollars. En effet en Équateur, depuis 2000, la monnaie nationale, le Sucre, n'existe plus. Tout se paye en USD. Le douanier péruvien n'est visiblement pas de super bonne humeur. Il ne répond pas à mon "buenos días". Il prend mon passeport, le tamponne et me le rend. Sans un regard, rien. Côté équatorien c'est différent. Le militaire qui garde la barrière est souriant et me salue. On discute quelques minutes puis le douanier me tamponne mon passeport et me dit : "Bienvenido a Ecuador". Quel accueil ! C'est une première

Le paysage sec se transforme peu à peu en jungle quand j'attaque les collines. De belles montées sous une chaleur humide. Pas de ciel bleu malheureusement. Une épaisse couche de nuages tapisse le ciel, ce qui renforce la sensation de chaleur "lourde". Moins de déchets le long de la route, les premiers petits villages que je traverse semblent plus propres et mieux gérés. Les équatoriens vivent dans des conditions moins précaires que leurs voisins péruviens.
Peu de trafic. Ces premiers jours seraient presque plaisants, si seulement les barbelés n'avaient pas fait leur retour. Beaucoup de champs sont clôturés, ce qui rend le bivouac nocturne plus difficile. Est-ce que les clôtures sont là pour dissuader les intrus ou bien pour marquer la limite du territoire des grandes fermes? Je n'en sais rien. La logique de clôture des propriétés est très différente d'un pays à l'autre en dehors des obligations liées à l'élevage du bétail.

Un soir après avoir monté ma tente, je m'éloigne un peu pour prendre ma douche habituelle avec ma bouteille d'eau. Des fourmis de feu montent sur mes jambes par dizaines. En fait, je suis au mauvais endroit: tout près de leur nid. Le temps de m'en rendre compte, elles me piquent les pieds et les jambes. Je m'en débarrasse comme je peux, puis je me couche rapidement dans ma tente avec les pieds et le bas des jambes boursouflés. Le venin de ces insectes fait rapidement son effet et des cloques rouges apparaissent sur tout mon corps. Ça me gratte ou ça me pique pendant plusieurs dizaines de minutes. Un moment particulièrement désagréable qui s'achève par un brusque vomissement. Je n'aurais jamais pensé que des piqures puissent avoir de tels effets. Fatigué j'arrive à dormir tant bien que mal. Le lendemain matin les cloques ont disparues et je suis d'attaque pour une nouvelle journée de selle.
Ces fourmis sont très agressives et ne permettent à personne d'empiéter sur leur territoire. Leurs piqûres -1.2 sur l'échelle de Schmidt- sont très douloureuses. La prochaine fois je ferai attention où je mets les pieds. Une erreur dont je vais longtemps me souvenir.

Quand je rejoins la route 25, la panaméricaine, le décor change drastiquement. Fini la jungle, place au bruit des camions et à la culture intensive avec des champs de bananes à perte de vue. Je suis sur les terres du premier exportateur mondial et ça se voit. Pendant des centaines de kilomètres j'ai droit à ce paysage monotone. Parfois un peu d'éclectisme avec des plantes de cacao . Je rencontre les premiers iguanes. Immobiles au bord des routes où des chemins, ils passent leur journée à se réchauffer. Ces animaux sortis de la préhistoire sont impressionnants mais inoffensifs.

De longues journées de vélo sans grand intérêt, mis à part la nourriture. Fini le pain dur de la semaine précédente comme dans la sierra péruvienne ou bolivienne. Les boulangeries ouvrent tôt le matin et le pain chaud me régale. Ici on ne trouve que du pain brioché, mais c'est mieux que rien. De plus ce n'est pas cher du tout, pour 1$ je mange 6 à 8 petits pains.
Sinon les menus dans les restaurants ressemblent au Pérou : riz, poulet, soupe. Je ne m'y arrête pas.
Je préfère manger du pain avec des avocats.
Dans les pays plus sud, Pérou, Bolivie, Chili, ... on les appelle palta.
La première fois que j'ai voulu demander à une vendeuse des "paltas", surprise; pas de réponse, elle ne connaissait pas.
Je lui ai dit: "mais oui, c'est une boule verte foncé, on l'utilise pour faire du guacamole".
Elle m'a répondu avec un grand sourire: " Tu veux des aguacates, ils sont là".
Un nom différent pour le même fruit. Il faut s'adapter aux différences géographiques des langues.

Un midi, je m'arrête à l'abri d'un arrêt de bus. Un vieil homme avec un bandage à la main vient me parler.
Il commence par le classique:
- d'où viens-tu ? ...
Puis il enchaîne sur la religion.
Il m'explique avec de longues métaphores que j'arrive tout juste à décoder, qu'il est évangéliste.
Ensuite il me parle de sa douleur à la main et me montre une photo: son portrait avec écrit "mon fils m'a coupé la main avec une machette". Il enchaîne avec sa difficulté pour obtenir des antibiotiques car il n'a pas suffisamment d'argent.
Je lui donne une pièce. Il me bénit et repart faire sa quête.
C'est la première fois depuis mon départ que je succombe à une telle sollicitation. Ce vieil homme m'a vraiment fait peine.
J'évite autant que possible les mendiants qui quémandent une petite pièce pour ne pas me retrouver cerné et susciter la convoitise d'une foule.
Je ne suis pas sûr que cette obole serve à acheter des médicaments, mais ici pas de sécurité sociale, comme dans la majorité des pays pauvres: si tu veux te soigner: tu payes ou tu crèves. Triste ☹.

La montée vers la capitale, Quito, à 2850m d'altitude est longue et difficile. Grosse chaleur, pente très raide, et trafic incessant : aucun plaisir. Par contre la vue en arrivant sur la ville me récompense de ces efforts. La ville s'étale dans un creux autour d'une grande cathédrale datant de la conquête espagnole. L'urbanisme galopant a rejeté les nouveaux quartiers à flanc de colline, où les constructions et les ruraux attirés par la grande ville s'entassent sur des pentes très raides. Je visite cette grande ville plutôt sympa, avec son centre historique au style colonial espagnol et les belles vues sur les montagnes et les volcans environnants. Le festival des lumières a fait un grand voyage de Lyon à Quito. Le spectacle est toujours aussi joli . Je prends deux jours de repos bien mérité après 21 jours consécutifs sur le vélo.

 Puis retour à la réalité, je fais le yoyo jusqu'en Colombie dans des paysages ordinaires. 20000m de dénivelé en 7 jours !
Peu après Quito, je franchis symboliquement la ligne de l'équateur pour passer dans l'hémisphère nord.




Après une bonne heure de patience à la frontière équatorienne et un tampon je rentre officiellement en Colombie.
Tous les cyclistes rencontrés sur le chemin ne m'en ont dit que du bien. Par manque de temps je vais devoir traverser ce pays rapidement, sans vraiment le visiter. Le paysage ressemble grandement à celui de son voisin l'Equateur. Jungle, rivières, montagnes avec des cols aux alentours de 3000m. La chaleur humide est présente avec la pluie qui va avec. C'est la saison des pluies. Tous les après-midi j'ai droit à ma douche. A 3000m c'est plus que rafraichissant !
Un matin après une longue descente sous une pluie battante, j'arrive en bas d'une descente "congelé". Je claque des dents. Depuis la Patagonie je n'avais plus connu ça. Dans ces cas là il y a deux choix: s'arrêter dans un hôtel pour se réchauffer et passer une nuit au sec ou continuer à pédaler en espérant se réchauffer. J'ai souvent choisi la deuxième solution. Moins facile ! Mais si on s'arrête à la moindre difficulté, autant louer un camping-car pour rester à l'abri. Les conditions climatiques difficiles font partie intégrante du voyage en vélo.
Tous les jours je croise au moins un barrage militaire. Barricades de pneus, gardes armés de fusils mitrailleurs, tout y est. Les soldats ne font aucun contrôle, mais quadrillent le terrain. La Colombie est réputée dangereuse et a très mauvaise réputation. Les exactions de la guérilla des FARC ou des cartels de la drogue y sont pour beaucoup. Mais en aucun lieu, je ne me suis senti menacé ou en danger. Il faut juste faire attention dans les grandes villes à ne pas aller n'importe où. La méfiance absolue est de mise dans de nombreux pays.

Je continue mon régime "pain sec", bien que je fasse quelques folies le midi. C'est moins cher qu'en Équateur. En Colombie au menu traditionnel riz, poulet, soupe on ajoute des frijoles (haricots rouges). Il m'est même arrivé de me laisser tenter par un poulet frites. Pour 1.50€, j'ai droit à une belle portion de frites avec un gros morceau de poulet frit, façon KFC pour les connaisseurs.

Certains villages traversés ont un goût d'Afrique. La plupart des habitants sont des afro-colombiens descendants des esclaves africains amenés par les conquistadors ou leurs descendants pour servir d'esclaves.
Pas grand chose d'autre durant ces quelques jours en Colombie. J'ai beaucoup roulé et je me suis reposé quelques jours à Cali avant d'embarquer dans un avion pour Panama.
Pourquoi prendre l'avion alors que les deux pays ont une frontière terrestre commune?
En dehors du fait que je doive rejoindre rapidement mon frère au Costa-Rica, il n'y a aucune route sûre qui traverse la jungle bordant ces deux pays. La panaméricaine, cette route qui va de l'Alaska au sud du Chili, s'interrompt. Les seules pistes praticables sont utilisées par les 4x4 des narcotrafiquants ou des contrebandiers pour transporter leurs marchandises. Danger absolu !

Toutes les photos de l'Equateur et de la Colombie

Statistiques

Distance :  1566 km
Nb jours : 18
Nb jours de vélo : 13
Nb jours de repos : 5
Etape la plus longue :  173 km
Etape la plus courte :  84 km


Total depuis le début

Distance : 49571 km
Nb jours : 698
Nb jours de vélo : 491
Nb jours de repos : 207
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 5130m, Abra Azuca, Pérou

Crevaison : 12
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -10°C ( Paso San Francisco, Chili)






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