21/04/2017

Argentine, Uruguay, Brésil, Paraguay : 3000km et 4 pays

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10/03/2017 - 09/04/2017

Uruguay

Assis dans la benne d'un pick-up, avec Yohan, on traverse le pont (Gualeguaychú - Fray Bentos ) qui sépare l'Argentine de l'Uruguay, le second plus petit pays d'Amérique du Sud avec ses 3.8 millions d'habitants. Nos chauffeurs, un couple de médecins Argentins nous aident à décharger nos vélos.
Les formalités sont simples pour rentrer en Uruguay, un tampon pour 3 mois. Les douaniers sont en train de jouer sur leur téléphone quand on entre dans le bureau. On les interpelle d'un "buenos días" pour qu'ils veuillent bien se déplacer jusqu'au comptoir. Ils nous regardent et il leur faut plusieurs dizaines de secondes pour qu'ils viennent nonchalamment faire leur travail. On voit bien qu'on les dérange !
Comme au Chili, on ne peut pas rentrer avec des fruits, des légumes, de la viande, du miel, ... Mais pas de contrôle: ouf, j'ai de la charcuterie dans mes paniers . Le changement avec l'Argentine n'est pas frappant mais la route est en meilleur état, il y a une bande d'arrêt d'urgence et l'herbe sur les cotés est coupée à ras. Et surtout il fait plus chaud ! En traversant une rivière, le rio Uruguay, on a pris +5°C. Coté argentin, la route est plate alors qu'en Uruguay c'est bien vallonné. Les champs de maïs et de soja ont fait place aux champs de maté. Ici la plupart des gens se baladent avec le thermo et la tasse à maté. C'est impressionnant, même les autostoppeurs boivent le maté !

L'Argentine est un pays cher mais l'Uruguay l'est encore plus. Seuls les fruits et légumes sont moins chers. De toute façon on n'a pas l'intention de s'éterniser en Uruguay: deux à trois jours en suivant la frontière avec l'Argentine puis le Brésil. On traverse des petits villages, les villes de Paysandú et Salto.
Puis je quitte Yohan qui repart vers l'Argentine et je continue ma route vers le nord par la ruta 3. Des champs et de grandes lignes droites, et aussi des araignées, presque aussi grosses que des mygales. Sur la route et dans les champs elles sont partout. Mais elles ne sont pas agressives ! Et ma tente ferme entièrement, je dors sur mes deux oreilles ☺. Tout au nord, proche de Bella Union, je me sens déjà au Brésil. Il y a des champs de canne à sucre partout, les gens parlent portugais et le soleil brûle.

Je fais tamponner mon passeport pour sortir de l'Uruguay.
 Quand je demande:
- où est la douane brésilienne?
 On me répond :
- dans la prochaine ville à 80 km !
Le village en amont de la rivière ne possède pas de douane. Je lui fais répéter pour être sur et elle me répond la même chose.


Brésil

Cette fois ci, je traverse le pont en vélo. Personne pour me l'interdire ! Côté brésilien, dans le village de Bara do Quaraí, à mon grand étonnement il y a un poste de douane. Mais c'est réservé aux camions. Enfin c'est ce que je comprends car le douanier parle portugais avec un accent chantant. Me voilà au Brésil "sans papier", mais comme un "migrant volontaire". On lit dans les guides, le routard, le lonely planet, que le vaccin contre la fièvre jaune est obligatoire à l'entrée par voie terrestre sur le territoire brésilien. En France, en 2015, j'avais spécialement fait le vaccin pour ce cas là. Mais il faut croire qu'à cette frontière tout le monde s'en fout.

Des champs, des barbelés et beaucoup de camions, voilà le Brésil tel que je le vois. Rien d'extraordinaire. Au bord de la route, assis avec une assiette entre les mains, je rencontre un cycliste du Salvador. Il a une remorque pleine à craquer ! Un mono cycle, des balles, des massues, .... Il a une vingtaine d'années et a fuit le Salvador où la vie est difficile. Il voyage depuis plusieurs années et vit de ses talents d'artiste de rue. Toute sa vie est sur son vélo. Et ce gars là qui n'a rien, m'offre le peu qu'il a. Il veut partager son assiette, me propose des graines de tournesols, ... Je décline et je lui propose de lui donner ma nourriture mais il refuse. On partage un maté et je lui fais mes adieux.
Ces rencontres me touchent toujours énormement et je me sais TRES chanceux de voyager pour le plaisir ! Plus je voyage et plus je me rends compte qu'en France, en Europe nous sommes des privilégiés. La nuit venue, je galère à trouver un endroit pour planter ma tente. Barbelés, fermes, ... pas un endroit tranquille pour ma toile ! Et des moustiques partout. Le sud du Brésil ce n'est pas le top. Je décide le lendemain de repasser en Argentine. Le paysage est le même mais au moins je peux trouver plus facilement un endroit au calme pour la nuit. Deux jours au Brésil et je m'en vais !

Argentine

Je traverse le rio Uruguay de nouveau. Sur le pont il y a des panneaux interdisant le passage des vélos et des piétons. Mais côté brésilien, pas de militaires pour m'empêcher de passer . Quand j'arrive en Argentine, un agent des douanes me fait signe. Je m'approche et il me dit qu'il est interdit de traverser le pont en vélo. Je lui réponds que je ne vais pas faire demi-tour. Il est embarrassé et ne sait pas quoi faire. Son chef arrive et me répète la même chose. Je ne réponds rien et après quelques minutes il me dit, embarrassé, que je peux aller faire tamponner mon passeport ! Mais pour me faire "chier" ils vérifient tous mes bagages aux rayons X. Et ils sont tellement incompétents qu'ils ne savent même pas lire les résultats sur l'écran.
Ils me demandent à chaque bagage :
- qu'est que c'est ça ?
- et ça ? ...
Je perds 1 heure.
Pu... de douane !
Je suis en Argentine et content d'y être. Les Argentins sont un peuple accueillant et ils me le "rappellent" dès mon arrivé dans la ville de Paso de los Libres. Je m'arrête pour déjeuner sur la place centrale ou le wifi est gratuit. On vient me parler, partager un maté, ...
Je traverse la région de Corrientes et celle de Misiones. Cette dernière, est la "terre du maté". Des champs partout: verts, alignés au cordeau, du travail de "pro". C'est magnifique. Et tout ça sans barbelés. J'en profite pour m'approcher, toucher et sentir cette plante que j'apprécie tant. Soit ce n'est pas la saison, soit les feuilles nécessitent de sécher pour révéler leurs arômes car je ne sens absolument rien, juste l'odeur et le gout du "vert".

Proche de Posadas et du Paraguay je rencontre Rafael. Un cycliste voyageur accompagné de son chien. Pour ne pas changer on partage un maté et je l'écoute. Il aime parler et pendant 30min je ne peux pas en placer une .
Je voulais visiter les chutes d'Iguazu au Nord mais le "temps" me manque, car je veux retourner au Chili par un col à 4800 mètres ( el paso Agua Negra) et si je tarde trop, le froid, la neige vont arriver et le col sera fermé jusqu'à l'été prochain ! Je décide donc de zapper les chutes d'Iguazu mais de me rendre quand même au Paraguay, ce pays que très peu de touristes visitent.
Et de nouveau je dois traverser un pont mais cette fois-ci je me trouve côté argentin. Et les douaniers m'interdisent de passer en vélo. Toujours pour les même raisons : c'est dangereux il n'y a pas de bande d'arrêt d'urgence. Mais c'est pareil sur toutes les routes en Argentine ! Je suis obligé de prendre le train (35 pesos, 2€) pour traverser le rio Paraná.


Paraguay

Changement drastique d'atmosphère quand je mets les pieds au Paraguay dans la ville d'Encarnacion. Il y a des boutiques partout, des vendeurs de rue, ... L'importation de marchandises étrangères en Argentine est très contrôlée et fortement taxée ! Du coup les frontaliers se rendent au Paraguay pour faire leurs achats. Dans les magasins on peut payer en Guarani ou en pesos argentins.
Les jours précédents il a beaucoup plu et cette terre rouge et collante a fini par pénétrer partout. Je roule, ou plutôt sur certaines portions de piste, je pousse, je tire, je traîne, je soulève mon vélo pour avancer. Je suis aussi sale que mon vélo. J'ai besoin d'une bonne douche et de laver mes affaires. Je m'arrête dans une auberge de jeunesse, 60000 Guarani (10€). Le Paraguay est un pays "bon marché". Je peux me faire plaisir sans me ruiner ☺.
Je retrouve Yohan le cycliste allemand qui m'avait accompagné au nord de Buenos Aires et en Uruguay. On partage quelques bières et je repars en solo direction la capitale Asuncion.
Cette région du Paraguay possède quelques sites historiques. En effet, les jésuites sont venus au XVIIème siècle s'installer avant d'être chassés  par les Portugais. C'est toujours intéressant de connaître l'histoire d'un pays et de visiter ce qu'il en reste. Mais cette fois-ci je passe mon tour. Je n'ai jamais été fan de religion, et encore moins de l'asservissement des peuples par ses missionnaires associés aux colonisateurs .

Il faisait déjà chaud en Uruguay et en Argentine mais là mon thermomètre affiche plus de 40°C. Ajouté à l'humidité ça devient épuisant. Je bois plus de 6 litres par jour. Avec cette chaleur je n'ai pas beaucoup d'appétit. Le seul vrai repas que je fais est le petit déjeuner. Je me gave de chipa, ces petits pains à la farine de manioc fourrés au fromage. Ça ne coûte rien, de 0.25 à 1€ suivant la taille. Mais ça cale bien ! J'en profite aussi pour me remplir l'estomac de fruits. Comme en Asie dans les petits villages, les fruits se payent à l'unité et non au poids.
 La route est légèrement vallonnée et il y a une bande d'arrêt d'urgence. Mais les autorités ont eu la mauvaise idée de jalonner la route de ralentisseurs tous les 50 mètres pour éviter que les conducteurs utilisent cette bande comme voie de circulation. Les ralentisseurs font la largeur de la bande d'arrêt d'urgence et je suis obligé de revenir sur la route pour les éviter. La technocratie  n'a pas de frontière! Il n'y a pas beaucoup de trafic mais c'est tout de même dangereux. A droite et à gauche de la route il y a des champs de maïs, de soja ou des pâturages à perte de vue. La grande majorité des animaux qui pâturent sont des zébus.

Le Paraguay est un petit pays de 7 millions d'habitants qui n'a pas d'accès à la mer. Il est bien plus pauvre que ses voisins mais la générosité est tout aussi grande. Un midi, j'achète une chipa pour le déjeuner dans une boulangerie. Je demande si je peux remplir mes bouteilles d'eau. La gérante me répond que l'eau courante est coupée . Le prochain village est à 50km et je n'ai plus d'eau. Mais avec cette chaleur j'ai vraiment besoin de boire. Elle m'offre généreusement une boutelle d'eau minérale de 2L . Parfois je me demande si les gens n'ont pas de la pitié pour moi : mes chaussures sont trouées, mon t-shirt est décoloré, mon short est rapé et je suis brûlé par le soleil. Mais c'est un choix, j'ai largement les moyens de changer, mais mon côté "écolo" me l'interdit. J'utiliserai mes vêtements jusqu'à l'usure complète !

J'arrive à Asuncion le 20 mars 2017, hébergé chez Hector et sa famille. En sa compagnie je nettoie mon vélo. Hélas il a la mauvaise idée de démonter mes moyeux et de changer la graisse. Il a l'habitude de le faire mais cette fois-ci, il se manque. Le lendemain en Argentine, après avoir traversé la frontière, mon moyeu avant s'ouvre. De la graisse sort et il prend du jeu. Je reviens au Paraguay pour essayer de régler mon problème mais le mal est fait. Je cherche désespérément à changer mes moyeux mais c'est mission impossible. Il n'y a que du matériel "chinois" ou du Shimano bas de gamme . La chance m'a abandonné au Paraguay, je fuis !


Argentine

En Argentine, je visite tous les magasins de vélo dans les villes de Formosa et Resistencia : rien de qualité ! Un vain marathon. Heureusement, Paola m'aide. Elle téléphone partout et trouve des moyeux Shimano Deore à Rio Cuarto, à 1000km de ma position actuelle. C'est pas du XT ou SLX mais mieux que du "made in China". Je vérifie l'état des moyeux à chaque arrêt.  Je suis inquiet et il me tarde de changer mes moyeux. En six jours j'avale les 1000km. Je passe mes journées à rouler, entre 8 et 9 heures de selle et mes nuits à récupérer.
Je fais changer mes moyeux dans un petit cycle. L'atelier ne paie pas de mine. Ramon, le gérant est super sympa et en quelques heures j'ai de nouveau des roues capables d'avaler les kilomètres ! Sa mère en me voyant appelle la TV locale (canal 13 rio cuarto). Quelques minutes d'interview et je passe dans le journal télévisé local du soir. Les argentins adorent les potins locaux diffusés sur la télévision locale. Le lendemain sur la route, les gens m'interpellent en me demandant si je suis "el loco de francés" (le fou de français) qui est passé à la télé la veille.

Je suis de nouveau chez la famille Carletti. Impossible de ne pas leur faire un petit coucou sachant que j'étais tout proche. Je répare les petits trous d'usure dans le sol de ma tente et de mes sacoches. Mon matériel commence à être bien usé .

Statistiques

Distance :  2842 km
Nb jours : 31
Nb jours de vélo : 23
Nb jours de repos : 8
Etape la plus longue : 237 m
Etape la plus courte :  26 km

Total depuis le début

Distance : 39399 km
Nb jours : 559
Nb jours de vélo : 375
Nb jours de repos : 184
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 3832 m (paso Los Libertadores, Argentine-Chile)
Crevaison : 11
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -8°C ( Australie)










La Suite...

01/04/2017

Argentine : 32 ans dans les champs

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Santiago du Chili - Mendoza - Buenos Aires ; 06/02/2017 - 09/03/2017 .
Les vacances relax : hotels et restaurants, avec mes parents sont finies. Je me remets en selle direction Buenos Aires. A part le col Los Libertadores qui sépare le Chili de l'Argentine je sais que les paysages risquent d'être monotones : de grandes lignes droites à travers champs. Mais j'ai envie de faire un petit tour par l'Uruguay et le Paraguay avant de revenir attaquer les grands cols des Andes (Agua Negra, San Fransisco,...). Un détour de quelques milliers de kilomètres.

La reprise après 15 jours sans vélo est difficile. Il fait 35°C, il y a beaucoup de trafic et pas grand chose à voir. Mes jambes ont du mal à pousser fort sur les pédales. De Santiago du Chili jusqu'à Los Andes il n'y a qu'une autoroute. Elle est interdite aux vélos, mais je n'ai pas le choix. Je l'emprunte. Je sais qu'au Chili les interdictions sont "relatives". Certaines fois je me demande même pourquoi il y a des panneaux d'interdictions. Personne ne les respecte ! Plusieurs voitures de police me doublent et ne m'arrêtent pas. Je roule "sereinement" en vélo sur l'autoroute !  Jusqu'à l'entrée d'un tunnel où je me fais arrêter par un responsable de la sécurité des routes. Il me dit qu'il est interdit de passer en vélo à travers le tunnel. C'est trop dangereux. J'embarque mon vélo dans une camionnette et je traverse le tunnel dans la fraicheur de l'habitacle climatisé. Le conducteur n'est pas trop bavard. Je vois bien que ça ne le réjouit pas du tout de me conduire de l'autre coté. J'ai dû le déranger pendant sa pause café
Après 110km le premier jour, je m'arrête près d'une rivière. Une douche rapide et je m'endors comme un bébé malgré le bruit des camions.
Je suis à 1100 mètres d'altitude, le col est à 3832 mètres. Une deuxième journée difficile s'annonce ! Je monte, monte et monte encore. Pas des pentes à 20%, mais une ascension continue avec très peu de moment de récupération. Et les 29 derniers virages avant d'arriver à 3200 mètres d'altitude finissent de m'achever. Tous les véhicules à quatre roues empruntent le tunnel pour passer de l'autre coté des Andes. Moi, je prends l'ancienne piste qui monte jusqu'au Christ Redemptor: 65 virages, 8km et 600 mètres de dénivelé positif. Dur ! Je ne sais pas si c'est l'altitude ou la coupure mais je souffre. Tous les deux virages je fais une pause Le vent n'arrange rien. Il souffle fort et m'oblige à enfiler mon coupe vent. Arrivé en haut, je m'arrête dans une petite boutique de souvenirs. Le gérant m'offre un verre de liqueur bien forte et un chocolat chaud ! Je suis accueilli chaleureusement Après 57 km et 2700 mètres de dénivelé positif ça fait du bien.  La statue en bronze du Christ Redemptor trône sur son piédestal blanc en haut  du col  à 3832 mètres d'altitude. Elle a été inaugurée en 1904 et symbolise la paix entre les deux pays. Le paysage est spectaculaire au milieu de ces grands pics à plus de 6000 mètres, dont l'Aconcagua, le plus haut sommet des Andes, qui culmine à 6961 mètres.
Tout le long des 57 km de montée ce n'était pas le silence absolu. Je ne compte plus les camions qui m'ont doublé et les bus qui m'ont fait respirer leur pot d'échappement. Il y a beaucoup de trafic sur cette route, la principale entre Santiago du Chili, Mendoza et Buenos Aires. Rares sont les véhicules qui respectent les limitations de vitesse. Et les pires sont les chauffeurs de bus. D'ailleurs quelques jours après mon passage, il y a eu un accident de bus. Résultat : 21 morts !

La descente est extraordinaire, j'enchaine les kilomètres sans forcer. Je double même les camions. Je file à plus de 60km/h ! Même si du coté argentin la pente est plus douce.
Au détour d'un virage je rencontre trois cyclistes. Un couple d'uruguayen et Gürkan Genç, un turc parti depuis 2012. Son parcours est impressionant : 58000 km, 43 pays et il est loin d'avoir terminé son aventure. Bonne route et garde ton sourire !
Les kilomètres se suivent et les rencontres aussi. Juste avant Mendoza je rencontre un argentin de 69 ans, qui est chargé comme une mule: 75kg tout compris !
Arrivé à Lukan de Cuyo sous la pluie, un homme me siffle, je me retourne et j'aperçois un cycliste brésilien: Claudio, un grand dingue. Je passe la journée avec lui: il court partout, parle à tout le monde et boit beaucoup de bière ! Impossible à suivre. Le soir on se fait inviter par Gabriel, un local pour un barbecue en compagnie de sa famille. Mon retour en Argentine commence bien !
A Mendoza je quitte les Andes, la montagne pour la plaine, les champs et je prends la ruta 7 qui traverse le pays d'ouest en est, de Mendoza à Buenos Aires. Les alentours de Mendoza sont couverts de vignes. La région  produit deux tiers des vins du pays, principalement de cépage Malbec. Et je peux dire qu'il est vraiment délicieux. Avec mes amis argentins en Patagonie nous en avons bu quelques litres  pour accompagner la viande rouge.

Mon premier jour après avoir quitté Mendoza, je plante ma tente dans un champ. Je n'ai rien trouvé de mieux. A 22h, une lumière puissante me réveille. Deux policiers en uniformes !!!
- Bonjour, ca va ?
Je leur réponds: Oui, très bien
-Que faites-vous ici ?
- Je dors !
- Un habitant nous a appelés. Quel est votre nom ?
Je leur donne mon passeport.
Les policiers le feuillettent, regardent tous mes visas et se marrent.
- Tu fais un tour du monde en vélo ?
- Oui
- Tu as Facebook ?
- Oui - et je leur donne mon pseudo
- Merci, on te laisse dormir. Bon courage et prudence
- Ciao
Deux policiers qui ne savaient pas quoi faire de la nuit et qui se sont bien amusés. J'ai agrémenté leur nuit ennuyeuse !
La nuit suivante, rebelote. Je plante ma tente à 100 mètres de la ruta 7 au bord d'une ancienne route abandonnée.
A 1 heure du matin, une voiture plein phare s'arrête à coté de moi. Encore la police.
Même discours. Mais à la fin de l'échange, il y a un silence puis un policier me dit : "Fais attention c'est dangereux par ici, il y a des pumas".
Je manque d'éclater de rire. Je me retiens.
Dans ma tête je me dis : "tu me réveilles à une heure du matin pour me dire qu'il y a des pumas" ! Putain! que ton métier doit vraiment être emmerdant.
Voyant mon sourire il ajoute: "mais t'inquiète pas, dans ta tente tu es protégé".
Fier de sa blague, il s'en va en riant. Et je finis ma nuit au calme.

Jusqu'à San Luis je suis la ruta 7. Une autoroute de 2x2 voies. Beaucoup de trafic et des champs de maïs à perte de vue, mais il y a une grande bande d'arrêt d'urgence me permettant d'être presque en sécurité. Puis je prends des routes de campagne et des pistes. Je préfère être plus lent mais au calme.


Manu chao chante : "La vida es una tómbola".
Et le 14 février je tire le bon numéro.
Au petit matin, je discute avec le gérant d'un supermarché super sympa.
Quelques heures plus tard, un homme et sa fille m'interpellent. Je passe une heure à discuter autour d'un maté. Puis à midi, je m'arrête dans un arrêt de bus pour casser la croûte. Un jeune vient à ma rencontre et m'invite pour le déjeuner.

Puis en fin d'après midi, je me dirige vers Adelia Maria une petite ville situé au centre de l'Argentine.
Pourquoi en particulier cette ville inconnue au milieu de l'Argentine?
C'est un peu compliqué à expliquer: en fait mon arrière grand-père, piémontais d'origine a émigré en France vers 1920. Ses frères l'ont suivi dont un marié aussi à une piémontaise, laquelle avait un demi-frère qui a émigré en Argentine  à la même époque. Paola quatrième génération "argentine" de cet émigré piémontais, a renoué contact avec Thérèse une cousine de ma grand-mère il y a une quinzaine d'années, après avoir retrouvé des documents sur ses ancêtres.
C'est Thérèse qui m'a donné l'adresse et qui les avait avertis par courrier de ma venue il y a plusieurs mois.   Je suis accueilli comme un prince par la famille Carletti, qui attendait mon arrivée depuis des mois. Je pensais rester deux à trois jours mais finalement ce sera beaucoup plus.
Le lendemain de mon arrivée la famille part en "vacances", à Merlo, un ville touristique à 200 km au nord d'Adelia Maria et m'emmène avec eux.
La vie en Argentine n'est pas facile. Les salaires sont certes corrects, mais le coût de la vie est élevé, notamment les produits importés qui sont fortement taxés, depuis la faillite du pays dans les années 2000. Les argentins de la campagne se contentent d'un confort modeste, mais semblent vivre paisiblement, en profitant de la vie sans trop se plaindre.
Paola organise mon passage à la radio puis à la télé locale (photo et vidéo sur mon facebook). En espagnol, c'est loin d'être facile. J'ai le trac, mais l'animateur fait de gros efforts pour que je puisse comprendre ses questions. Malgré quelques blancs, je ne m'en tire pas trop mal.
Je profite de l'occasion pour mettre en contact ma grand-mère et mes parents avec les Carletti. Par Skype nous discutons plus d'une heure en espagnol, italien ou français en échangeant des photos sur les ancêtres piémontais.
La famille Carletti me retient encore quelques jours pour que je fête mes 32 ans en leur compagnie. Les parents de Paola organisent une fête qui réunit toute la famille et me remettent un cadeau. Je souffle les bougies avec Lucia la fille de Paola qui a trois ans et demi. Je suis très ému, touché par la gentillesse de ces gens dont j'ignorais l'existence il y a quelques jours encore. J'ai l'impression de faire partie de leur famille depuis longtemps. Une sorte de lien qui nous unit probablement à cause de notre origine commune et lointaine à la fois.
C'est mon deuxième anniversaire sur la route. Il y a un an j'étais en Indonésie dans une mosquée. Après quinze jours, je les quitte le cœur gros. Mais je sais que je reviendrai !
Un INCOMMENSURABLE MERCI à cette adorable famille et comme chante Sinsemilia : "je vous souhaite tout le bonheur du monde".

Depuis le début de l'année j'ai passé plus de jours à me reposer qu'à pédaler. Que c'est bon !
Je repars par la ruta 8 puisque la ruta 7 est temporairement coupée à cause des inondations. Le paysage ne varie pas: des champs à perte de vue. Heureusement les belles rencontres se succèdent et égaient mes journées. Pas une journée ne passe sans que l'on m'offre un maté. Je discute avec les quelques mots d'espagnol que je connais. Ma compréhension s'améliore mais parler est beaucoup plus difficile. J'arrive tout de même à me faire comprendre. En tout cas pour les questions qui reviennent tout le temps:
D'où tu viens ?
Où tu vas ?
Quel est ton âge ? ...
Je passe mes journées avec le bruit des camions, voitures, ... et mes nuits au milieu des champs de maïs. Un soir de gros orage je suis accueilli dans une cabane de chantier au bord de la route. Quatre lits superposés, une ambiance chaleureuse : la simplicité d'une rencontre de bord de route. Mais un vrai bonheur pour le cycliste que je suis ! Le lendemain matin dans une boulangerie, le boulanger m'offrira du pain et des croissants. Il refuse absolument que je paie.

Les argentins sont exceptionnellement sympatiques et généreux. La traversée de cette plaine aux paysages monotones n'aurait jamais été aussi enrichissante sans toutes ces rencontres.
Je ne vais jamais pouvoir quitter ce pays ! 




Fin février j'arrive à Buenos Aires, la capitale.
Je suis hébergé par la famille de Martin, sa femme et leurs 3 enfants. Je passe 3 jours agréables entre asado (bbq), maté, bière, discussions et visites de la Capitale. Martin, un grand merci pour ta générosité et biz à toute ta famille !!!
Dans le centre de Buenos Aires je retrouve Yohan un jeune cycliste allemand de 23 ans que j'avais rencontré au sud de Santiago du Chili. On suit la même la route et le mercredi on décide de partir ensemble. Sortir de Buenos Aires est long et chiant, mais c'est loin d'être la pire des grandes villes. Avec Yohan on a le même rythme de pédalage et on file à toute vitesse direction l'Uruguay.
Après avoir réparé une crevaison sur la roue arrière du vélo de Yohan, une voiture s'arrête. Un homme sort, nous fait signe et nous propose de venir diner et dormir dans son appartement pour la nuit. Impossible de refuser. Angel habite dans un appartement dans la ville de Campana. Il est membre d'un club de cycliste et a l'habitude de "racoler" les cyclotouristes. Bières, pizzas, discussions, Angel nous régale. Il porte bien son nom. Merci infiniment pour ta générosité Angel !
Le lendemain matin Angel nous dépose à un croisement. Quelques photos pour alimenter Facebook et on repart 
En arrivant à la frontière avec l'Uruguay, il y a des dizaines de camions garés au bord de la route. Les militaires ne veulent pas nous laisser traverser le pont en vélo. La raison: trop dangereux, il n'y a pas de bande d'arrêt d'urgence! Une fausse raison car la plupart des routes en Argentine en sont dépourvues. Je l'ai constaté pendant 1000km sur des routes sans aucune bande d'arrêt d'urgence.
Putain de règles à la con!  Ça a le don de m'énerver.
Les militaires ne veulent pas nous faire passer de l'autre coté dans leur camionnette. Ils sont payés à ne rien faire, regardent la télé et ne veulent pas bouger leur cul !  On doit faire du stop. Mais il y a très peu de trafic. Alors on prend notre mal en patience en discutant avec les camionneurs. Certains attendent plus de deux jours pour passer la frontière. Je hais cette montagne de paperasse !

Au bout de deux heures, Yohan arrête une camionnette et deux "vieux" acceptent de charger nos vélos.
En ce moment on est dans la benne d'un pickup, assis sur le bord, roulant à plus 80km/h en direction de l'Uruguay !!!

Statistiques

Distance :  1940 km
Nb jours : 32
Nb jours de vélo : 16
Nb jours de repos : 16
Etape la plus longue : 158 km
Etape la plus courte :  75 km
Plus haut col : 3832 mètres ( paso los libertadores)

Total depuis le début

Distance : 36547 km
Nb jours : 528
Nb jours de vélo : 352
Nb jours de repos : 178
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 3832 m (paso Los Libertadores, Argentine-Chile)
Crevaison : 11
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -8°C ( Australie)









La Suite...