05/05/2017

Argentine : el paso Agua Negra, 4753m d'altitude

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10/04/2017 - 19/04/2017 ; Adelia Maria - San Juan - Paso Agua Negra.

Je quitte la famille Carletti qui m'a encore accueilli les bras ouverts : merci infiniment . Sur la route je m'arrête dans la petite école rurale où Paola enseigne. J'arrive à aligner 3 mots d'espagnol sans trop d'erreur. J'improvise un petit cours de géographie aux enfants en leur présentant mon parcours. La majorité des gamins sont issus de communautés rurales ou de fermes éloignées. Certains font même des kilomètres à cheval pour venir à l'école. Une photo de "classe" et je repars.
Je vais en direction de San Juan et de la Cordillère des Andes. Je reprends en sens inverse la même route par laquelle je suis arrivé il y a deux mois à Adelia Maria. Je passe faire un petit coucou à Daniel, le propriétaire d'une épicerie dans le village de Bulnes. Tout étonné de me revoir ! Séances photos et c'est reparti. Je traverse des champs, rien de magique, surtout avec le vent de face
Mais quand j'aperçois les premières montagnes aux alentours de la Toma le sourire revient. Plus de deux mois de longues et plates lignes droites à travers champs. Quelques montées-descentes ça va faire du bien.

J'arrive à San Juan le 15 avril 2017 chez Santiago et sa copine, un couple argentin travaillant à l'université qui m'accueille pour deux nuits. Au menu : grillades, bières, vins, crêpes et empanadas. Un moment super sympa pour fêter mes 40000km !  Rempli d'énergie je me mets en selle direction la Cordillère pour entamer mon second tour de la planète.

Les choses sérieuses "recommencent". Les Andes et les grands sommets se rapprochent. Je suis excité comme un gamin à Noël ! Il ne pleut presque jamais par ici, sauf quand je passe. Après une première nuit humide, au petit matin il pleut toujours. Je suis à 1600 mètre d'altitude et il fait 10°C. Je plie mes affaires et j'attaque la montée. Je dois franchir un col à 2600m. Ça monte progressivement mais cette pluie gâche un peu le plaisir de grimper. En haut du col j'ai même droit à de la grêle Mais quelques kilomètres plus loin le ciel s'éclaircit et je profite pleinement de la descente sous le soleil: 20km à plus de 60km/h, c'est le pied !!!



Paso Agua Negra

A 14h, j'arrive devant le poste frontière argentin. Et là, c'est la douche froide . Le col Agua Negra à 4753m qui doit me mener au Chili à travers la Cordillère est fermé à cause d'une tempête de neige. Pourtant les prévisions météo étaient optimistes. Á cette altitude le temps change très vite et très souvent. Le douanier me dit qu'il ne rouvrira pas avant le lendemain ou plus, suivant la quantité de neige tombée. Je suis bloqué au pied des Andes par le mauvais temps. Je passe la nuit en face de la gendarmerie dans le petit village de Las Flores tout en espérant que le col ouvrira le plus tôt possible.
Le lendemain vers 10h, il y a une file de plusieurs voitures bloquées devant le poste frontière. Le col semble toujours fermé. Alors que je m'approche du guichet, le douanier me dit que c'est bon: je peux passer. Le col ouvre à l'instant. Les conditions sont bonnes. Je fais tamponner mon passeport et je pédale en direction du col. Une montée continue de 91km pour 3000m de dénivelé positif. De longues heures de vélo.

Pas un nuage, ciel bleu, léger vent de dos. Les conditions sont parfaites. Les sommets devant moi sont enneigés. Le paysage est magnifique. Ça monte progressivement, pas de pourcentage excessif. Au détour d'un virage, des hommes sur un chantier m'interpellent. Ils partagent leur repas de midi avec moi : pain et charcuterie. Un régal. Le ventre plein, je continue la montée tranquille. Après 58km, la route se transforme en piste. Le goudron fait place à la terre. Il est 16h30, mes jambes sont fatiguées. Je décide de m'arrêter là pour aujourd'hui. Je suis sur un grand plateau avec quelques monticules pour me protéger du vent. C'est parfait. J'espère passer une nuit 3 étoiles à 3700m d'altitude.

J'installe ma tente et je m'allonge. Une heure plus tard, je commence à avoir mal à la tête, puis vers 23h ça s'aggrave. J'ai mal à la tête, mes bras et mes jambes sont tétanisés. C'est le mal aigu des montagnes, impossible de dormir, la douleur est trop vive. Vers 4h du matin enfin je m'endors. À 7h30  je suis réveillé par le vent qui souffle, ou plutôt par le bruit du  sable qui est projeté sur ma tente. Je range mes affaires en urgence et je pars affronter la dernière partie du col. Le vent souffle extrêmement fort. Impossible de rester sur le vélo. Je pousse ! Puis la tempête se déchaîne: des tornades de sable s'abattent sur moi. J'ai du mal à tenir debout. Le sable me fouette si fort que j'ai l'impression de recevoir en permanence une volée de plomb ! Au bout de 2km de combat, j'abandonne et je fais demi-tour. Trop dangereux. Je m'abrite dans une cabane de chantier de 3m² que j'avais repéré la veille. C'est démentiel, la montagne est féroce ! Je patiente 45min en espérant que la cabane résiste. Puis la tempête se calme. Le vent souffle toujours fort mais sans bourrasques. Je repars. Je n'ai presque pas dormi de la nuit à cause du mal d'altitude et au matin je dois lutter contre une tempête de sable. La journée s'annonce rude.

A certains endroits le vent est si fort que je descends de vélo pour pousser, impossible de pédaler. Mais le décor est magique, splendide, j'en prends plein les yeux. Au dessus de 4500m, je souffre physiquement. La piste est mauvaise, le vent souffle fort : putain je subis !!! Je mets plus de 15 minutes pour faire les 500 derniers mètres (moyenne 2 km/h !). Je n'ai plus de forces, plus de jambes et encore moins de mental. Tous les 50 mètres je m'arrête pour reprendre mon souffle. Le vent me fouette en pleine face. La montagne et les éléments se sont coalisés contre moi.
Mais je ne compte pas abandonner si près du but et j'arrive en haut du col à 15h03 après 5h et 33km de combat. Au sommet rien ! Un replat désertique et caillouteux où trône un portique signalant le point le plus haut. Quelques photos pour le souvenir et j'attaque la descente. Je suis au Chili mais la douane est à plus de 80km. Ouf ! Ça descend.



Malgré le fort vent de face, je file à plus de 40km/h sur de la piste ! La pente est très forte. Je passe la nuit à 3800m mais cette fois-ci​ plus de mal d'altitude. Juste un léger mal de tête. Je suis tellement fatigué, que ce soir là, je n'ai pas la force de manger. A 18h je m'endors alors qu'il fait encore jour. Je dors profondément jusqu'à 7h30 du matin. Au réveil il fait -3°C et je dois plier mes affaires pour rejoindre le poste de douane. Ça descend encore, c'est facile mais avec le froid, je me gèle !  Le côté chilien est très encaissé, le soleil n'atteint pas encore la route en ce début de matinée. Le paysage est superbe au milieu de ces pics à plus de 5500m d'altitude.
Vers midi j'arrive à la douane. Je suis à 2400m d'altitude, le soleil et la chaleur sont de retour. Il me reste encore 200km de descente jusqu'à La Serena et l'Océan Pacifique

Statistiques

Distance :  1069 km
Nb jours : 10
Nb jours de vélo : 9
Nb jours de repos : 1
Etape la plus longue : 150 km
Etape la plus courte :  58 km
Plus haut col : 4753m, paso Agua Negra, Argentine-Chili
Crevaison : 1


Total depuis le début

Distance : 40330 km
Nb jours : 569
Nb jours de vélo : 384
Nb jours de repos : 185
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 4753 m (paso Agua Negra, Argentine-Chile)
Crevaison : 12
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -8°C ( Australie)



La Suite...

21/04/2017

Argentine, Uruguay, Brésil, Paraguay : 3000km et 4 pays

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10/03/2017 - 09/04/2017

Uruguay

Assis dans la benne d'un pick-up, avec Yohan, on traverse le pont (Gualeguaychú - Fray Bentos ) qui sépare l'Argentine de l'Uruguay, le second plus petit pays d'Amérique du Sud avec ses 3.8 millions d'habitants. Nos chauffeurs, un couple de médecins Argentins nous aident à décharger nos vélos.
Les formalités sont simples pour rentrer en Uruguay, un tampon pour 3 mois. Les douaniers sont en train de jouer sur leur téléphone quand on entre dans le bureau. On les interpelle d'un "buenos días" pour qu'ils veuillent bien se déplacer jusqu'au comptoir. Ils nous regardent et il leur faut plusieurs dizaines de secondes pour qu'ils viennent nonchalamment faire leur travail. On voit bien qu'on les dérange !
Comme au Chili, on ne peut pas rentrer avec des fruits, des légumes, de la viande, du miel, ... Mais pas de contrôle: ouf, j'ai de la charcuterie dans mes paniers . Le changement avec l'Argentine n'est pas frappant mais la route est en meilleur état, il y a une bande d'arrêt d'urgence et l'herbe sur les cotés est coupée à ras. Et surtout il fait plus chaud ! En traversant une rivière, le rio Uruguay, on a pris +5°C. Coté argentin, la route est plate alors qu'en Uruguay c'est bien vallonné. Les champs de maïs et de soja ont fait place aux champs de maté. Ici la plupart des gens se baladent avec le thermo et la tasse à maté. C'est impressionnant, même les autostoppeurs boivent le maté !

L'Argentine est un pays cher mais l'Uruguay l'est encore plus. Seuls les fruits et légumes sont moins chers. De toute façon on n'a pas l'intention de s'éterniser en Uruguay: deux à trois jours en suivant la frontière avec l'Argentine puis le Brésil. On traverse des petits villages, les villes de Paysandú et Salto.
Puis je quitte Yohan qui repart vers l'Argentine et je continue ma route vers le nord par la ruta 3. Des champs et de grandes lignes droites, et aussi des araignées, presque aussi grosses que des mygales. Sur la route et dans les champs elles sont partout. Mais elles ne sont pas agressives ! Et ma tente ferme entièrement, je dors sur mes deux oreilles ☺. Tout au nord, proche de Bella Union, je me sens déjà au Brésil. Il y a des champs de canne à sucre partout, les gens parlent portugais et le soleil brûle.

Je fais tamponner mon passeport pour sortir de l'Uruguay.
 Quand je demande:
- où est la douane brésilienne?
 On me répond :
- dans la prochaine ville à 80 km !
Le village en amont de la rivière ne possède pas de douane. Je lui fais répéter pour être sur et elle me répond la même chose.


Brésil

Cette fois ci, je traverse le pont en vélo. Personne pour me l'interdire ! Côté brésilien, dans le village de Bara do Quaraí, à mon grand étonnement il y a un poste de douane. Mais c'est réservé aux camions. Enfin c'est ce que je comprends car le douanier parle portugais avec un accent chantant. Me voilà au Brésil "sans papier", mais comme un "migrant volontaire". On lit dans les guides, le routard, le lonely planet, que le vaccin contre la fièvre jaune est obligatoire à l'entrée par voie terrestre sur le territoire brésilien. En France, en 2015, j'avais spécialement fait le vaccin pour ce cas là. Mais il faut croire qu'à cette frontière tout le monde s'en fout.

Des champs, des barbelés et beaucoup de camions, voilà le Brésil tel que je le vois. Rien d'extraordinaire. Au bord de la route, assis avec une assiette entre les mains, je rencontre un cycliste du Salvador. Il a une remorque pleine à craquer ! Un mono cycle, des balles, des massues, .... Il a une vingtaine d'années et a fuit le Salvador où la vie est difficile. Il voyage depuis plusieurs années et vit de ses talents d'artiste de rue. Toute sa vie est sur son vélo. Et ce gars là qui n'a rien, m'offre le peu qu'il a. Il veut partager son assiette, me propose des graines de tournesols, ... Je décline et je lui propose de lui donner ma nourriture mais il refuse. On partage un maté et je lui fais mes adieux.
Ces rencontres me touchent toujours énormement et je me sais TRES chanceux de voyager pour le plaisir ! Plus je voyage et plus je me rends compte qu'en France, en Europe nous sommes des privilégiés. La nuit venue, je galère à trouver un endroit pour planter ma tente. Barbelés, fermes, ... pas un endroit tranquille pour ma toile ! Et des moustiques partout. Le sud du Brésil ce n'est pas le top. Je décide le lendemain de repasser en Argentine. Le paysage est le même mais au moins je peux trouver plus facilement un endroit au calme pour la nuit. Deux jours au Brésil et je m'en vais !

Argentine

Je traverse le rio Uruguay de nouveau. Sur le pont il y a des panneaux interdisant le passage des vélos et des piétons. Mais côté brésilien, pas de militaires pour m'empêcher de passer . Quand j'arrive en Argentine, un agent des douanes me fait signe. Je m'approche et il me dit qu'il est interdit de traverser le pont en vélo. Je lui réponds que je ne vais pas faire demi-tour. Il est embarrassé et ne sait pas quoi faire. Son chef arrive et me répète la même chose. Je ne réponds rien et après quelques minutes il me dit, embarrassé, que je peux aller faire tamponner mon passeport ! Mais pour me faire "chier" ils vérifient tous mes bagages aux rayons X. Et ils sont tellement incompétents qu'ils ne savent même pas lire les résultats sur l'écran.
Ils me demandent à chaque bagage :
- qu'est que c'est ça ?
- et ça ? ...
Je perds 1 heure.
Pu... de douane !
Je suis en Argentine et content d'y être. Les Argentins sont un peuple accueillant et ils me le "rappellent" dès mon arrivé dans la ville de Paso de los Libres. Je m'arrête pour déjeuner sur la place centrale ou le wifi est gratuit. On vient me parler, partager un maté, ...
Je traverse la région de Corrientes et celle de Misiones. Cette dernière, est la "terre du maté". Des champs partout: verts, alignés au cordeau, du travail de "pro". C'est magnifique. Et tout ça sans barbelés. J'en profite pour m'approcher, toucher et sentir cette plante que j'apprécie tant. Soit ce n'est pas la saison, soit les feuilles nécessitent de sécher pour révéler leurs arômes car je ne sens absolument rien, juste l'odeur et le gout du "vert".

Proche de Posadas et du Paraguay je rencontre Rafael. Un cycliste voyageur accompagné de son chien. Pour ne pas changer on partage un maté et je l'écoute. Il aime parler et pendant 30min je ne peux pas en placer une .
Je voulais visiter les chutes d'Iguazu au Nord mais le "temps" me manque, car je veux retourner au Chili par un col à 4800 mètres ( el paso Agua Negra) et si je tarde trop, le froid, la neige vont arriver et le col sera fermé jusqu'à l'été prochain ! Je décide donc de zapper les chutes d'Iguazu mais de me rendre quand même au Paraguay, ce pays que très peu de touristes visitent.
Et de nouveau je dois traverser un pont mais cette fois-ci je me trouve côté argentin. Et les douaniers m'interdisent de passer en vélo. Toujours pour les même raisons : c'est dangereux il n'y a pas de bande d'arrêt d'urgence. Mais c'est pareil sur toutes les routes en Argentine ! Je suis obligé de prendre le train (35 pesos, 2€) pour traverser le rio Paraná.


Paraguay

Changement drastique d'atmosphère quand je mets les pieds au Paraguay dans la ville d'Encarnacion. Il y a des boutiques partout, des vendeurs de rue, ... L'importation de marchandises étrangères en Argentine est très contrôlée et fortement taxée ! Du coup les frontaliers se rendent au Paraguay pour faire leurs achats. Dans les magasins on peut payer en Guarani ou en pesos argentins.
Les jours précédents il a beaucoup plu et cette terre rouge et collante a fini par pénétrer partout. Je roule, ou plutôt sur certaines portions de piste, je pousse, je tire, je traîne, je soulève mon vélo pour avancer. Je suis aussi sale que mon vélo. J'ai besoin d'une bonne douche et de laver mes affaires. Je m'arrête dans une auberge de jeunesse, 60000 Guarani (10€). Le Paraguay est un pays "bon marché". Je peux me faire plaisir sans me ruiner ☺.
Je retrouve Yohan le cycliste allemand qui m'avait accompagné au nord de Buenos Aires et en Uruguay. On partage quelques bières et je repars en solo direction la capitale Asuncion.
Cette région du Paraguay possède quelques sites historiques. En effet, les jésuites sont venus au XVIIème siècle s'installer avant d'être chassés  par les Portugais. C'est toujours intéressant de connaître l'histoire d'un pays et de visiter ce qu'il en reste. Mais cette fois-ci je passe mon tour. Je n'ai jamais été fan de religion, et encore moins de l'asservissement des peuples par ses missionnaires associés aux colonisateurs .

Il faisait déjà chaud en Uruguay et en Argentine mais là mon thermomètre affiche plus de 40°C. Ajouté à l'humidité ça devient épuisant. Je bois plus de 6 litres par jour. Avec cette chaleur je n'ai pas beaucoup d'appétit. Le seul vrai repas que je fais est le petit déjeuner. Je me gave de chipa, ces petits pains à la farine de manioc fourrés au fromage. Ça ne coûte rien, de 0.25 à 1€ suivant la taille. Mais ça cale bien ! J'en profite aussi pour me remplir l'estomac de fruits. Comme en Asie dans les petits villages, les fruits se payent à l'unité et non au poids.
 La route est légèrement vallonnée et il y a une bande d'arrêt d'urgence. Mais les autorités ont eu la mauvaise idée de jalonner la route de ralentisseurs tous les 50 mètres pour éviter que les conducteurs utilisent cette bande comme voie de circulation. Les ralentisseurs font la largeur de la bande d'arrêt d'urgence et je suis obligé de revenir sur la route pour les éviter. La technocratie  n'a pas de frontière! Il n'y a pas beaucoup de trafic mais c'est tout de même dangereux. A droite et à gauche de la route il y a des champs de maïs, de soja ou des pâturages à perte de vue. La grande majorité des animaux qui pâturent sont des zébus.

Le Paraguay est un petit pays de 7 millions d'habitants qui n'a pas d'accès à la mer. Il est bien plus pauvre que ses voisins mais la générosité est tout aussi grande. Un midi, j'achète une chipa pour le déjeuner dans une boulangerie. Je demande si je peux remplir mes bouteilles d'eau. La gérante me répond que l'eau courante est coupée . Le prochain village est à 50km et je n'ai plus d'eau. Mais avec cette chaleur j'ai vraiment besoin de boire. Elle m'offre généreusement une boutelle d'eau minérale de 2L . Parfois je me demande si les gens n'ont pas de la pitié pour moi : mes chaussures sont trouées, mon t-shirt est décoloré, mon short est rapé et je suis brûlé par le soleil. Mais c'est un choix, j'ai largement les moyens de changer, mais mon côté "écolo" me l'interdit. J'utiliserai mes vêtements jusqu'à l'usure complète !

J'arrive à Asuncion le 20 mars 2017, hébergé chez Hector et sa famille. En sa compagnie je nettoie mon vélo. Hélas il a la mauvaise idée de démonter mes moyeux et de changer la graisse. Il a l'habitude de le faire mais cette fois-ci, il se manque. Le lendemain en Argentine, après avoir traversé la frontière, mon moyeu avant s'ouvre. De la graisse sort et il prend du jeu. Je reviens au Paraguay pour essayer de régler mon problème mais le mal est fait. Je cherche désespérément à changer mes moyeux mais c'est mission impossible. Il n'y a que du matériel "chinois" ou du Shimano bas de gamme . La chance m'a abandonné au Paraguay, je fuis !


Argentine

En Argentine, je visite tous les magasins de vélo dans les villes de Formosa et Resistencia : rien de qualité ! Un vain marathon. Heureusement, Paola m'aide. Elle téléphone partout et trouve des moyeux Shimano Deore à Rio Cuarto, à 1000km de ma position actuelle. C'est pas du XT ou SLX mais mieux que du "made in China". Je vérifie l'état des moyeux à chaque arrêt.  Je suis inquiet et il me tarde de changer mes moyeux. En six jours j'avale les 1000km. Je passe mes journées à rouler, entre 8 et 9 heures de selle et mes nuits à récupérer.
Je fais changer mes moyeux dans un petit cycle. L'atelier ne paie pas de mine. Ramon, le gérant est super sympa et en quelques heures j'ai de nouveau des roues capables d'avaler les kilomètres ! Sa mère en me voyant appelle la TV locale (canal 13 rio cuarto). Quelques minutes d'interview et je passe dans le journal télévisé local du soir. Les argentins adorent les potins locaux diffusés sur la télévision locale. Le lendemain sur la route, les gens m'interpellent en me demandant si je suis "el loco de francés" (le fou de français) qui est passé à la télé la veille.

Je suis de nouveau chez la famille Carletti. Impossible de ne pas leur faire un petit coucou sachant que j'étais tout proche. Je répare les petits trous d'usure dans le sol de ma tente et de mes sacoches. Mon matériel commence à être bien usé .

Statistiques

Distance :  2842 km
Nb jours : 31
Nb jours de vélo : 23
Nb jours de repos : 8
Etape la plus longue : 237 m
Etape la plus courte :  26 km

Total depuis le début

Distance : 39399 km
Nb jours : 559
Nb jours de vélo : 375
Nb jours de repos : 184
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 3832 m (paso Los Libertadores, Argentine-Chile)
Crevaison : 11
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -8°C ( Australie)










La Suite...

01/04/2017

Argentine : 32 ans dans les champs

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Santiago du Chili - Mendoza - Buenos Aires ; 06/02/2017 - 09/03/2017 .
Les vacances relax : hotels et restaurants, avec mes parents sont finies. Je me remets en selle direction Buenos Aires. A part le col Los Libertadores qui sépare le Chili de l'Argentine je sais que les paysages risquent d'être monotones : de grandes lignes droites à travers champs. Mais j'ai envie de faire un petit tour par l'Uruguay et le Paraguay avant de revenir attaquer les grands cols des Andes (Agua Negra, San Fransisco,...). Un détour de quelques milliers de kilomètres.

La reprise après 15 jours sans vélo est difficile. Il fait 35°C, il y a beaucoup de trafic et pas grand chose à voir. Mes jambes ont du mal à pousser fort sur les pédales. De Santiago du Chili jusqu'à Los Andes il n'y a qu'une autoroute. Elle est interdite aux vélos, mais je n'ai pas le choix. Je l'emprunte. Je sais qu'au Chili les interdictions sont "relatives". Certaines fois je me demande même pourquoi il y a des panneaux d'interdictions. Personne ne les respecte ! Plusieurs voitures de police me doublent et ne m'arrêtent pas. Je roule "sereinement" en vélo sur l'autoroute !  Jusqu'à l'entrée d'un tunnel où je me fais arrêter par un responsable de la sécurité des routes. Il me dit qu'il est interdit de passer en vélo à travers le tunnel. C'est trop dangereux. J'embarque mon vélo dans une camionnette et je traverse le tunnel dans la fraicheur de l'habitacle climatisé. Le conducteur n'est pas trop bavard. Je vois bien que ça ne le réjouit pas du tout de me conduire de l'autre coté. J'ai dû le déranger pendant sa pause café
Après 110km le premier jour, je m'arrête près d'une rivière. Une douche rapide et je m'endors comme un bébé malgré le bruit des camions.
Je suis à 1100 mètres d'altitude, le col est à 3832 mètres. Une deuxième journée difficile s'annonce ! Je monte, monte et monte encore. Pas des pentes à 20%, mais une ascension continue avec très peu de moment de récupération. Et les 29 derniers virages avant d'arriver à 3200 mètres d'altitude finissent de m'achever. Tous les véhicules à quatre roues empruntent le tunnel pour passer de l'autre coté des Andes. Moi, je prends l'ancienne piste qui monte jusqu'au Christ Redemptor: 65 virages, 8km et 600 mètres de dénivelé positif. Dur ! Je ne sais pas si c'est l'altitude ou la coupure mais je souffre. Tous les deux virages je fais une pause Le vent n'arrange rien. Il souffle fort et m'oblige à enfiler mon coupe vent. Arrivé en haut, je m'arrête dans une petite boutique de souvenirs. Le gérant m'offre un verre de liqueur bien forte et un chocolat chaud ! Je suis accueilli chaleureusement Après 57 km et 2700 mètres de dénivelé positif ça fait du bien.  La statue en bronze du Christ Redemptor trône sur son piédestal blanc en haut  du col  à 3832 mètres d'altitude. Elle a été inaugurée en 1904 et symbolise la paix entre les deux pays. Le paysage est spectaculaire au milieu de ces grands pics à plus de 6000 mètres, dont l'Aconcagua, le plus haut sommet des Andes, qui culmine à 6961 mètres.
Tout le long des 57 km de montée ce n'était pas le silence absolu. Je ne compte plus les camions qui m'ont doublé et les bus qui m'ont fait respirer leur pot d'échappement. Il y a beaucoup de trafic sur cette route, la principale entre Santiago du Chili, Mendoza et Buenos Aires. Rares sont les véhicules qui respectent les limitations de vitesse. Et les pires sont les chauffeurs de bus. D'ailleurs quelques jours après mon passage, il y a eu un accident de bus. Résultat : 21 morts !

La descente est extraordinaire, j'enchaine les kilomètres sans forcer. Je double même les camions. Je file à plus de 60km/h ! Même si du coté argentin la pente est plus douce.
Au détour d'un virage je rencontre trois cyclistes. Un couple d'uruguayen et Gürkan Genç, un turc parti depuis 2012. Son parcours est impressionant : 58000 km, 43 pays et il est loin d'avoir terminé son aventure. Bonne route et garde ton sourire !
Les kilomètres se suivent et les rencontres aussi. Juste avant Mendoza je rencontre un argentin de 69 ans, qui est chargé comme une mule: 75kg tout compris !
Arrivé à Lukan de Cuyo sous la pluie, un homme me siffle, je me retourne et j'aperçois un cycliste brésilien: Claudio, un grand dingue. Je passe la journée avec lui: il court partout, parle à tout le monde et boit beaucoup de bière ! Impossible à suivre. Le soir on se fait inviter par Gabriel, un local pour un barbecue en compagnie de sa famille. Mon retour en Argentine commence bien !
A Mendoza je quitte les Andes, la montagne pour la plaine, les champs et je prends la ruta 7 qui traverse le pays d'ouest en est, de Mendoza à Buenos Aires. Les alentours de Mendoza sont couverts de vignes. La région  produit deux tiers des vins du pays, principalement de cépage Malbec. Et je peux dire qu'il est vraiment délicieux. Avec mes amis argentins en Patagonie nous en avons bu quelques litres  pour accompagner la viande rouge.

Mon premier jour après avoir quitté Mendoza, je plante ma tente dans un champ. Je n'ai rien trouvé de mieux. A 22h, une lumière puissante me réveille. Deux policiers en uniformes !!!
- Bonjour, ca va ?
Je leur réponds: Oui, très bien
-Que faites-vous ici ?
- Je dors !
- Un habitant nous a appelés. Quel est votre nom ?
Je leur donne mon passeport.
Les policiers le feuillettent, regardent tous mes visas et se marrent.
- Tu fais un tour du monde en vélo ?
- Oui
- Tu as Facebook ?
- Oui - et je leur donne mon pseudo
- Merci, on te laisse dormir. Bon courage et prudence
- Ciao
Deux policiers qui ne savaient pas quoi faire de la nuit et qui se sont bien amusés. J'ai agrémenté leur nuit ennuyeuse !
La nuit suivante, rebelote. Je plante ma tente à 100 mètres de la ruta 7 au bord d'une ancienne route abandonnée.
A 1 heure du matin, une voiture plein phare s'arrête à coté de moi. Encore la police.
Même discours. Mais à la fin de l'échange, il y a un silence puis un policier me dit : "Fais attention c'est dangereux par ici, il y a des pumas".
Je manque d'éclater de rire. Je me retiens.
Dans ma tête je me dis : "tu me réveilles à une heure du matin pour me dire qu'il y a des pumas" ! Putain! que ton métier doit vraiment être emmerdant.
Voyant mon sourire il ajoute: "mais t'inquiète pas, dans ta tente tu es protégé".
Fier de sa blague, il s'en va en riant. Et je finis ma nuit au calme.

Jusqu'à San Luis je suis la ruta 7. Une autoroute de 2x2 voies. Beaucoup de trafic et des champs de maïs à perte de vue, mais il y a une grande bande d'arrêt d'urgence me permettant d'être presque en sécurité. Puis je prends des routes de campagne et des pistes. Je préfère être plus lent mais au calme.


Manu chao chante : "La vida es una tómbola".
Et le 14 février je tire le bon numéro.
Au petit matin, je discute avec le gérant d'un supermarché super sympa.
Quelques heures plus tard, un homme et sa fille m'interpellent. Je passe une heure à discuter autour d'un maté. Puis à midi, je m'arrête dans un arrêt de bus pour casser la croûte. Un jeune vient à ma rencontre et m'invite pour le déjeuner.

Puis en fin d'après midi, je me dirige vers Adelia Maria une petite ville situé au centre de l'Argentine.
Pourquoi en particulier cette ville inconnue au milieu de l'Argentine?
C'est un peu compliqué à expliquer: en fait mon arrière grand-père, piémontais d'origine a émigré en France vers 1920. Ses frères l'ont suivi dont un marié aussi à une piémontaise, laquelle avait un demi-frère qui a émigré en Argentine  à la même époque. Paola quatrième génération "argentine" de cet émigré piémontais, a renoué contact avec Thérèse une cousine de ma grand-mère il y a une quinzaine d'années, après avoir retrouvé des documents sur ses ancêtres.
C'est Thérèse qui m'a donné l'adresse et qui les avait avertis par courrier de ma venue il y a plusieurs mois.   Je suis accueilli comme un prince par la famille Carletti, qui attendait mon arrivée depuis des mois. Je pensais rester deux à trois jours mais finalement ce sera beaucoup plus.
Le lendemain de mon arrivée la famille part en "vacances", à Merlo, un ville touristique à 200 km au nord d'Adelia Maria et m'emmène avec eux.
La vie en Argentine n'est pas facile. Les salaires sont certes corrects, mais le coût de la vie est élevé, notamment les produits importés qui sont fortement taxés, depuis la faillite du pays dans les années 2000. Les argentins de la campagne se contentent d'un confort modeste, mais semblent vivre paisiblement, en profitant de la vie sans trop se plaindre.
Paola organise mon passage à la radio puis à la télé locale (photo et vidéo sur mon facebook). En espagnol, c'est loin d'être facile. J'ai le trac, mais l'animateur fait de gros efforts pour que je puisse comprendre ses questions. Malgré quelques blancs, je ne m'en tire pas trop mal.
Je profite de l'occasion pour mettre en contact ma grand-mère et mes parents avec les Carletti. Par Skype nous discutons plus d'une heure en espagnol, italien ou français en échangeant des photos sur les ancêtres piémontais.
La famille Carletti me retient encore quelques jours pour que je fête mes 32 ans en leur compagnie. Les parents de Paola organisent une fête qui réunit toute la famille et me remettent un cadeau. Je souffle les bougies avec Lucia la fille de Paola qui a trois ans et demi. Je suis très ému, touché par la gentillesse de ces gens dont j'ignorais l'existence il y a quelques jours encore. J'ai l'impression de faire partie de leur famille depuis longtemps. Une sorte de lien qui nous unit probablement à cause de notre origine commune et lointaine à la fois.
C'est mon deuxième anniversaire sur la route. Il y a un an j'étais en Indonésie dans une mosquée. Après quinze jours, je les quitte le cœur gros. Mais je sais que je reviendrai !
Un INCOMMENSURABLE MERCI à cette adorable famille et comme chante Sinsemilia : "je vous souhaite tout le bonheur du monde".

Depuis le début de l'année j'ai passé plus de jours à me reposer qu'à pédaler. Que c'est bon !
Je repars par la ruta 8 puisque la ruta 7 est temporairement coupée à cause des inondations. Le paysage ne varie pas: des champs à perte de vue. Heureusement les belles rencontres se succèdent et égaient mes journées. Pas une journée ne passe sans que l'on m'offre un maté. Je discute avec les quelques mots d'espagnol que je connais. Ma compréhension s'améliore mais parler est beaucoup plus difficile. J'arrive tout de même à me faire comprendre. En tout cas pour les questions qui reviennent tout le temps:
D'où tu viens ?
Où tu vas ?
Quel est ton âge ? ...
Je passe mes journées avec le bruit des camions, voitures, ... et mes nuits au milieu des champs de maïs. Un soir de gros orage je suis accueilli dans une cabane de chantier au bord de la route. Quatre lits superposés, une ambiance chaleureuse : la simplicité d'une rencontre de bord de route. Mais un vrai bonheur pour le cycliste que je suis ! Le lendemain matin dans une boulangerie, le boulanger m'offrira du pain et des croissants. Il refuse absolument que je paie.

Les argentins sont exceptionnellement sympatiques et généreux. La traversée de cette plaine aux paysages monotones n'aurait jamais été aussi enrichissante sans toutes ces rencontres.
Je ne vais jamais pouvoir quitter ce pays ! 




Fin février j'arrive à Buenos Aires, la capitale.
Je suis hébergé par la famille de Martin, sa femme et leurs 3 enfants. Je passe 3 jours agréables entre asado (bbq), maté, bière, discussions et visites de la Capitale. Martin, un grand merci pour ta générosité et biz à toute ta famille !!!
Dans le centre de Buenos Aires je retrouve Yohan un jeune cycliste allemand de 23 ans que j'avais rencontré au sud de Santiago du Chili. On suit la même la route et le mercredi on décide de partir ensemble. Sortir de Buenos Aires est long et chiant, mais c'est loin d'être la pire des grandes villes. Avec Yohan on a le même rythme de pédalage et on file à toute vitesse direction l'Uruguay.
Après avoir réparé une crevaison sur la roue arrière du vélo de Yohan, une voiture s'arrête. Un homme sort, nous fait signe et nous propose de venir diner et dormir dans son appartement pour la nuit. Impossible de refuser. Angel habite dans un appartement dans la ville de Campana. Il est membre d'un club de cycliste et a l'habitude de "racoler" les cyclotouristes. Bières, pizzas, discussions, Angel nous régale. Il porte bien son nom. Merci infiniment pour ta générosité Angel !
Le lendemain matin Angel nous dépose à un croisement. Quelques photos pour alimenter Facebook et on repart 
En arrivant à la frontière avec l'Uruguay, il y a des dizaines de camions garés au bord de la route. Les militaires ne veulent pas nous laisser traverser le pont en vélo. La raison: trop dangereux, il n'y a pas de bande d'arrêt d'urgence! Une fausse raison car la plupart des routes en Argentine en sont dépourvues. Je l'ai constaté pendant 1000km sur des routes sans aucune bande d'arrêt d'urgence.
Putain de règles à la con!  Ça a le don de m'énerver.
Les militaires ne veulent pas nous faire passer de l'autre coté dans leur camionnette. Ils sont payés à ne rien faire, regardent la télé et ne veulent pas bouger leur cul !  On doit faire du stop. Mais il y a très peu de trafic. Alors on prend notre mal en patience en discutant avec les camionneurs. Certains attendent plus de deux jours pour passer la frontière. Je hais cette montagne de paperasse !

Au bout de deux heures, Yohan arrête une camionnette et deux "vieux" acceptent de charger nos vélos.
En ce moment on est dans la benne d'un pickup, assis sur le bord, roulant à plus 80km/h en direction de l'Uruguay !!!

Statistiques

Distance :  1940 km
Nb jours : 32
Nb jours de vélo : 16
Nb jours de repos : 16
Etape la plus longue : 158 km
Etape la plus courte :  75 km
Plus haut col : 3832 mètres ( paso los libertadores)

Total depuis le début

Distance : 36547 km
Nb jours : 528
Nb jours de vélo : 352
Nb jours de repos : 178
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 3832 m (paso Los Libertadores, Argentine-Chile)
Crevaison : 11
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -8°C ( Australie)









La Suite...

14/03/2017

Chili: Santiago & San Pedro de Atacama

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21/01-02/02/2017  - Chili:  de Santiago à San Pedro de Atacama avec les parents .

La lettre des "Vieux".

Presque un an jour pour jour après notre rencontre en Thailande, nous retrouvons Cyril à Santiago du Chili. Cette fois pas de colis encombrant, seulement quelques kilos de pièces de vélo et d'équipements alourdissent nos valises. A l'arrivée de l'avion, nous cherchons Cyril au milieu de la foule. Nous le reconnaissons à son tee-shirt vert et quand il se retourne, surprise! C'est un baroudeur avec une barbe rousse de plusieurs mois qui vient à notre rencontre. Cyril est radieux, ravi de faire un petit break dans sa course autour du monde.


Le choc thermique est violent: de 6°C à Madrid nous passons à 37°C à Santiago. Nous avons réservé un petit appartement pour trois personnes dans le centre de Santiago. Après avoir récupéré du décalage horaire nous commençons la visite de Santiago par la Plaza de  Armas, puis les collines de Santa Lucia et San Cristobal. Monter sous la chaleur par un chemin escarpé, ce n'est plus de notre âge! En récompense, la vue est superbe mais limitée par la brume qui recouvre la ville dû à la combinaison de la chaleur et des incendies dans le sud du Chili.  Nous profitons de nos soirées pour discuter avec Cyril des détails de son périple depuis l'Asie.

Deux jours plus tard, direction Valparaiso en bus. Le port qui faisait rêver les marins ayant passé le cap Horn est une curiosité. On parcourt la ville calée à flanc de collines à pied et en funiculaire.



Nous prolongeons la balade par Viňa del Mar une station balnéaire huppée où se retrouve la belle société de Santiago.




De retour vers Santiago, le bus qui avance péniblement dans une montée bien raide se gare précipitamment. Aucune explication du chauffeur, mais il semble que le moteur chauffe. Après une pause de 10 min le bus repart et rebelote dix kilomètres plus loin. Personne ne bronche, ce genre d'incident ne provoque aucune réaction de la part des passagers! Ce ne doit pas être inhabituel. Finalement nous arrivons à bon port.

Deux jours plus tard, c'est le départ en avion vers Calama et le désert à perte de vue jusqu'à l'oasis de San Pedro de Atacama (prononcer "dé Atacama"). Le soir même nous contactons Santiago un guide chilien qui parle parfaitement français pour une excursion aux lagunes d'altitude le lendemain.

Le matin suivant nous partons en minibus avec d'autres français. Après un arrêt dans les oasis de Toconao et Socaire nous dépassons 3000m d'altitude, la mécanique souffre jusqu'à ce le chauffeur se gare sur le bord de la route et nous annonce que nous avons un problème mécanique. Le guide nous propose de faire le pique-nique sur place en attendant qu'un bus de remplacement arrive: deux heures environ. Le casse-croute préparé par Santiago est étonnant: hors d'oeuvre, plat et dessert chilien accompagné de plusieurs vins chiliens servis dans des verres à pied. Vu  l'altitude de 3400m on peut lui attribuer une étoile. Le vin chilien déliant les langues nous palabrons tous autour du repas. Quand Cyril raconte qu'il est en route pour faire un tour du monde à vélo, c'est un bref moment de silence, avant que les questions ne fusent de tous les côtés:
- Combien de kilomètres parcourus par jour, depuis le départ, de pays visités? ...
- Comment financer un tel voyage?
- Comment est-on accueilli?
- Est-ce que c'est dangereux?
- Combien de temps encore avant de rentrer? ...
Les réponses sont à l'image de la philosophie du voyage de Cyril:
- J'ai le temps, je suis en vacances depuis 570 jours et je veux profiter au maximum de tout ce que je peux voir. Je roule entre cinq et dix heures par jour, soit de cinquante à deux cents kilomètres.
- Je me contente du minimum de confort et donc de dépenses
- Je suis bien accueilli partout par des habitants généreux qui m'offrent le gîte et (ou) le couvert.
- L'itinéraire se fait au jour le jour en fonction des conditions météo et des paysages.
- Je m'adapte tous les jours aux situations qui se présentent à moi, j'en ferai autant à mon retour dans un an ou plus.

Nous pourrions résumer le voyage de Cyril en trois mots:
- La découverte: cette recherche permanente des plus beaux endroits de la planéte
- La liberté de voyager avec un minimum de contrainte, ce qui n'est pas incompatible avec un degré de difficulté certain
- La singularité dans le choix des itinéraires et des moyens pour arriver au but


Trois heures plus tard, le bus de réserve arrive. Nous continuons vers les lagunes Misquina et Miniquez. Arrivés vers 4000m, le temps se couvre et les premières gouttes tombent, suivies, de neige fondue puis de grêle. De tous petits grêlons de 2 à 3mm très légers, qui s'accumulent autour des touffes de "paja brava" une herbe jaune présente au delà de 4000m et très appréciée des vigognes.
















Une heure plus tard, nous faisons une balade à pied à "Piedras rojas" un amas de pierres rouges volcaniques avançant dans une lagune de couleur bleu pâle tirant sur le blanc.



Le retour dure trois heures. Santiago en profite pour nous raconter l'histoire récente du Chili. A l'arrivée au pouvoir de Pinochet sa famille doit fuir la dictature et s'exile à Paris. Il y restera vingt cinq ans avant de revenir à San Pedro pour s'installer comme guide. On sent une forte émotion dans sa voix quand il raconte tout ces évènements qui mêlent sa propre histoire à celle de son pays. A la fin de son discours, tout le bus à les yeux humides et se met spontanément à applaudir notre émouvant orateur.

A l'approche de San Pedro, les éléments se déchaînent, la pluie s'intensifie. Les rues sont inondées par dix centimètres d'eau et l'électricité est coupée. Le chauffeur nous dépose à l'hôtel après un long détour. Que faire? Les restaurants sont fermés. La logeuse nous propose un peu de pain. Avec un reste de confiture et de manjar (un mélange de lait concentré sucré et de caramel), nous improvisons un repas dans la chambre sur une valise à la lumière de nos lampes frontales.



La pluie est rare dans ce désert, mais il peut tomber en une journée la quantité de pluie d'un mois ou plus!

Le mardi, nous partons à pied vers le Pukara de Quitor: les ruines d'un ancien village fortifié ayant résisté aux assauts des premiers espagnols au 16ème siècle. Arrivés sur place, il n'y a pas de pont, seulement un passage à gué. Le Rio Grande en crue nous empêche de franchir les cents mètres qui nous séparent du site archéologique. Retour en aval à la recherche d'un passage; deux heures et trois kilomètres de marche plus tard nous sommes à l'entrée du site. Nous grimpons jusqu'au Mirador trois cents mètres plus haut. La vue à 360° est époustouflante: la vallée de la Lune, le rio Grande et l'oasis de San Pedro sont à nos pieds.


Au sommet un mémorial  commémore les massacres des "Atacaménes" par les espagnols. La dernière phrase inscrite sur la stèle est particulièrement poignante: " BON DIEU! BON DIEU! POURQUOI NOUS A TU ABANDONNE".

Pour notre dernier jour dans le désert d'Atacama on nous a recommandé une excursion dans le désert de Tara situé à plus de 4400m d'altitude. Santiago est encore une fois notre guide. Dans la montée vers le col à 4800m apparait sur notre gauche le volcan Licancabur: "le volcan du peuple" dans la langue des Atacamènes. Majestueux, il est coiffé d'une couche de neige tombée la veille.




















En plein désert, quelques vigognes broutent de minuscules touffes de végétation dans un paysage lunaire.



Un peu plus loin nous faisons un arrêt pour déguster une tisane de feuille de coca censée nous aider à supporter les effets de l'altitude. Rien d'illégal, juste un goût de tilleul. Revigorés, nous bifurquons sur la piste vers le Salar de Tara. Après trente kilomètres de piste chaotique, nous basculons au sommet d'une butte sur la lagune de Tara. Sur notre gauche de grandes colonnes de roches ocres baptisées "Cathédrales de pierre", devant nous des flamands roses dans une lagune aux couleurs dégradées de bleu et vert et au fond la cordillère des Andes avec ses volcans enneigés, c'est un vrai plaisir pour les yeux.


Santiago nous entraine vers un lieu en dehors des circuits touristiques: la Réserve naturelle "Los Flamingos". Une succession de lagunes où les flamands roses viennent se nourrir pendant l'été austral. Nous montons sur un promontoire qui  domine les lagunes. Et c'est à ce moment que nous ressentons les effets de l'altitude: le cœur bat fort, la tête bourdonne et pour certains c'est la nausée. Une sensation d'épuisement qui s'estompe au bout de quelques minutes. Pourtant Santiago nous avait  recommandé de marcher lentement et de ménager nos efforts pour éviter ces désagréments. Heureusement nous sommes récompensés par le spectacle de la nature.

 


Une dernière vue au pied des "Cathédrales de pierre" et nous repartons vers San Pedro. Sur le chemin de retour Santiago nous raconte l'histoire de la conquête du Chili par les espagnols. Passionant !

 


Nous repartons de San Pedro de Atacama avec des images, une lumière et des paysages plein la tête et beaucoup de choses à raconter plus tard.

Retour à Santiago pour deux jours. L'avant dernier jour nous partons en bus pour le Caijon de Maipo, un canyon qui descend de la Cordillère jusqu'à la banlieue de Santiago. La cascade de Los Vientos que nous avions prévue de voir est bien trop difficile à atteindre. Nous rebroussons chemin pour suivre un canal d'irrigation à flanc de montagne bordé d'un chemin de chèvre qui nous ramène à San Alfonso où nous nous restaurons à l'ombre d'une terrasse.  

 Le dernier soir nous retrouvons au restaurant Florent un ami de notre nièce Sophie et Philomène qui ont hébergé Cyril et tout son équipement. Grande discussion sur leur vie au Chili et sur le marasme qui envahit la France. Et nous en venons à la conclusion qu'en France nous vivons bien dans un pays "favorisé", mais que nous n'en sommes pas toujours assez conscients.

Cyril en profite pour noter une adresse en Colombie que lui fournit le serveur, un colombien èxilé économique au Chili pour faire vivre sa famille. Un point de chute supplémentaire pour la suite du périple.

Et puis les vacances pour nous ont une fin. Au seuil de l'hôtel, nous laissons Cyril déjà concentré sur sa prochaine étape.

A+ fiston.

La Suite...

27/02/2017

Chili: En terre Mapuches

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San Martin de los Andes - Santiago du Chili ; 07/01/2017 - 20/01/2017
Je quitte avec un petit pincement au cœur mes trois amis argentins : Jorge, Ariel et Frederico. J'ai passé 15 jours de grand plaisir en leur compagnie. Mais je suis impatient de retrouver mes parents dans 15 jours à Santiago du Chili. Pour traverser la Cordillères des Andes, il faut que je franchisse le col Mamuil Malal. Il contourne le magnifique volcan Lanin, qui ce jour là est couvert de nuages. J'aperçois à peine le bas du cône. A quelques kilomètres de la frontière, la pluie se met à tomber. Je traverse un parc national avec ses pins très étranges. Nommé Araucaria araucana, ils sont considérés comme des fossiles vivants. Ils peuvent vivre jusqu'à 1000 ans.

La piste est mauvaise. Le retour au Chili s'annonce difficile.
Trois kilomètres avant la frontière il y a déjà une file de voitures stationnées.
- Pourquoi?
- Et d'un coup ! ça me revient ...
On est samedi et ici c'est les grandes vacances. Une erreur que seul un voyageur au long cours peut faire. Avec le temps qui passe et mes vacances qui n'en finissent pas , je ne sais jamais quel jour on est. Le jour de la semaine a rarement de l'importance.
Sans scrupule, je double tout le monde. Il pleut et je n'ai pas envie de passer plusieurs heures à greloter. Au poste juste avant la frontière argentine, une jeune militaire régule le trafic. En me voyant, elle a pitié de moi, et me fait signe de passer la barrière et de me rendre au bâtiment de service des douanes. Quand j'arrive, le poste frontière est plein à craquer. Un fonctionnaire s'occupe de diriger les gens au bon guichet. En voyant que je suis cycliste, il prend mon passeport et fait toutes les formalités pour moi. Il passe devant tout le monde et deux minutes plus tard je quitte le poste frontière avec mon tampon de sortie en bonne et due forme. Ça a parfois du bon d'être cycliste !!!



A la douane chilienne c'est un peu plus long et fastidieux. Mais en 30 minutes j'obtiens mon tampon d'entrée et me voilà officiellement au Chili. J'avais quitté ce pays il y a 15 jours sous la pluie et je le retrouve avec le même mauvais temps. Je n'ai qu'une seule envie : rejoindre la côte pacifique et profiter de la chaleur et des plages !
Je ne m'attarde ni à Pucón ni près du volcan Villarica ( un des rares volcans avec un lac de lave dans son cratère ) . Il fait froid et je suis trop mouillé. L'envie de me balader ne m'effleure même pas l'esprit.

Je rejoins la Panaméricaine, une "route" longue de 30000km, de l'Alaska au sud du Chili, et je file vers Temuco. Je ne sais pas si je suis autorisé à rouler dessus en vélo. Il n'y a aucun panneau interdisant l'entrée des bicyclettes. Je m'insère sur la voie la plus proche. Quelques centaines de mètres plus loin, je passe discrètement un poste de police sans me faire arrêter. Ouf ! Je suis sûr que je peux rouler sans problème.
Mais qu'est-ce que le Chili est peuplé !!! Après un mois et demi en Patagonie j'avais presque oublié qu'à certains endroits de la planète les hommes se sont regroupés en masse. Le moindre endroit est habité ou cultivé.

Les collines sont plantées de grandes forêts "artificielles" de pins et d'eucalyptus que les Mapuches appellent "désert vert", car cet arbre qui n'est pas originaire de cette région demande beaucoup plus d'eau que les spécimens natifs.
Les Mapuches sont les habitants originels de cette terre.  C'est un peuple de guerriers qui a résisté à l'envahisseur Inca venant du nord. Comme beaucoup de peuples  en Amérique ils ont été dépossédés de leurs terres au XIXème siècle par les émigrants européens, mais ils continuent à se battre pour faire valoir leurs droits sur les terres de leurs ancêtres. Leurs revendications s'affichent sur le bord de la route sur de grandes banderoles ou tout simplement écrites à même la route. Je comprends leurs sentiments dans ce pays où les espaces publics ne semblent plus exister. Tout est privé. Tout le long de la route il y a des barbelés. Heureusement certaines âmes charitables les ont coupés. Une ouverture bienvenue afin que je passe mes nuits au frais au milieu de grands pins.

La chaleur est venue d'un coup. Dès que j'ai quitté les Andes, elle m'est tombée dessus comme une enclume. Depuis sept mois et juin 2016, je n'avais ressenti la vraie chaleur du soleil. Celle qui te brûle, celle que tu veux fuir. Pour la première fois depuis des lustres, j'apprécie l'ombre !
Les routes de campagne jusqu'à Concepcion sont en bon état et goudronnées. Mais il n'y a toujours pas de bandes d'arrêt d'urgence ☹ . Les chiliens ne sont pas les plus respectueux des cyclistes. "Moins pire" que l'Asie mais dangereux.
Je retrouve enfin le grand plaisir de manger des fruits et des légumes. C'est l'été, les pêches, melons, pastèques, ... remplissent les étalages des vendeurs de bord de route. Les prix sont raisonnables: 1000 pesos (1.5€) le kg de pêches, 500 pesos (0.75€) le melon. Certains jours je ne mange que des fruits. Ça m'avait manqué. Et puis avec la chaleur je n'ai plus trop envie de me gaver de gras et de sucre.

A Concepción, je retrouve le bord mer et les plages. Le petit vent de la mer me rafraichit un peu et je supporte plus facilement la chaleur. Il fait plus de 30°C à l'ombre.
Comme à mon habitude, je ne m'éternise pas dans cette grande ville de 300 000 habitants.


C'est les grandes vacances à Tomé, une station balnéaire, où les plages sont pleines, mais peu de personnes profitent de l'eau. En effet l'eau est plutôt fraîche, guère plus de 17°C. En passant près d'un petit marché aux poissons je m'arrête et j'observe un lion de mer qui essaye de se remplir la panse sur les étalages de poisson frais.  Les pêcheurs le chassent à force de bruit en tapant à grands coups de bâton sur des seaux en plastique. L'animal, une belle bête de 2 mètres et plusieurs centaines de kilos, s'enfuit doucement.
Quelques kilomètres après la sortie de Tomé, je rencontre un français qui vit au Chili depuis plus de 10 ans. Il se balade avec son vélo de route. On roule quelques kilomètres ensemble avant de s'asseoir pour déguster un mote con huesillo: une boisson composée d'un jus sucré, d'une pêche séchée rehydratée et de grains de blés. Bien rafraichissant et nourrissant.

La route de bord de mer est bien vallonée. Les arpenteurs chiliens n'aiment pas les virages, ils préfèrent les routes à fort pourcentage. Les camions chargés de bois souffrent tout autant que moi.  Mon thermomètre affiche 41°C. Les plages sont couvertes de sable noir, elles sont brulantes l'après midi et la température de l'océan est vraiment fraîche. Je passe mon tour. Je me baignerai une autre fois. A Cobquecura j'apercois des dizaines de lions de mer en train de se faire dorer la pillule sur un grand rocher. Ces animaux sont en nombre dans les environs, tout près de la civilisation.
Je continue par la côte avant rentrer dans les terres direction "Santiago de Chile". Je rencontre Yohan aux alentours de Constitución. Un jeune allemand de 23 ans parti de chez lui il y a 4 ans. Il arrive de Colombie où il a passé plus d'un an. Il a travaillé sur place et appris l'espagnol. On boit quelques bières ensemble, et puis on reprend chacun notre route. Il va vers le sud à l'opposé de ma direction.
La province au sud de Santiago est en feu. Il y a des dizaines d'incendies qui ravagent les plantations d'eucalyptus. Je dois modifier mon itinéraire pour éviter les routes coupées.
Le dernier jour avant de rentrer dans Santiago, je m'arrête dans un camping avec une grande piscine. J'en profite tout l'après-midi. La belle vie !!!

A Santiago du Chili je suis hébergé chez des amis de ma cousine, Florent et Philo, un jeune couple de français vivant au Chili depuis plus d'an. Encore une belle rencontre !

Statistiques

Distance :  1219 km
Nb jours : 14
Nb jours de vélo : 13
Nb jours de repos : 1
Etape la plus longue : 161 km
Etape la plus courte :  38 km

Total depuis le début

Distance : 34607 km
Nb jours : 479
Nb jours de vélo : 336
Nb jours de repos : 143
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 3045 m (Yunnan, Chine)
Crevaison : 11
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -8°C ( Australie)





La Suite...