29/03/2018

USA : Why is it so hard?

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05/02/2018 - 14/03/2018 ; Albuquerque, Nouveau Mexique - Oklahoma City - Memphis, Tennessee - Atlanta, Georgia

Je quitte Albuquerque dans l'état du Nouveau Mexique avec un bon vent de dos qui m'aide à traverser plus rapidement ces contrées. Les paysages sont quelconques: une steppe d'herbe jaunie par l'hiver jusqu'à l'horizon. Les matinées sont toujours aussi fraîches: entre -5°C et -10°C. Ma barbe gèle dès les premiers kilomètres et se couvre de glace. L'après-midi le soleil me réchauffe tant, qu'il n'est pas rare que je roule en T-shirt.

Plusieurs américains m'ont mis en garde avant d'entrer dans l'état du Texas: "ne fais surtout pas du camping sauvage, tout est privé", " les Texans portent tous des armes et n'hésiterons pas à tirer si tu t'introduis sur leur propriété", et bien d'autres choses encore pire. Les panneaux à l'entrée des propriétés le confirment: "Passé cette barrière vous serez abattus, les survivants seront achevés, restez au dehors" ... Du coup, j'ai un peu d'appréhension le soir au moment de trouver mon premier bivouac pour la nuit dans cet état. Les champs de coton qui défilent à perte de vue sont ceinturés de barbelés. Trouver un endroit, à la fois l'abri des regards et éloigné d'une habitation pour planter ma tente n'est pas chose facile.
Après réflexion et observation des abords des routes, je suis persuadé que c'est quand même  possible. Durant mes quatre nuits dans cet état j'ai dormi profondément dans des lieux disparates:
- au bord d'un champ de coton,
- dans un grand bosquet entre deux champs en jachère,
- sur une route de maintenance de la voie ferrée,
- et enfin sur un parking à l'intérieur d'un Parc National. Pour ce dernier il fallait aller demander un permis à l'Office qui se trouvait je ne sais où. Je me suis juste bien caché et personne ne m'a dérangé , à part quelques cerfs, curieux de voir un intrus s'installer sur leur territoire.

Un peu plus loin, je fais un court arrêt en apercevant un bison derrière une clôture tout près de la route. J'avais l'image des westerns montrant des hordes de bisons chargeant les pionniers ralliant l'ouest américain. Je m'avance prudemment pour faire une photo. Face à moi couvert d'une épaisse fourrure, un mastodonte immobile et paisible qui me regarde droit dans les yeux. Pas d'agressivité. Je comprends mieux pourquoi les troupeaux ont été décimés en quelques décennies.

L'arrivée dans l'Oklahoma rime avec grand froid ! Le vent du nord me gifle la figure. Je parcours les routes avec deux pantalons et quatre couches sur la poitrine toute la journée. Je franchis la barre des 60 000km.
Le soleil a disparu !

Je cherche un hébergement pour souffler un peu.
C'est  Jeff, un retraité, ancien électricien à New-York qui m'accueille pour une nuit. Il vit dans un petit village de 400 habitants, perdu dans la campagne. Autour de ce bourg, à perte de vue, ce n'est que champs et pâturages pour les vaches.
Les maisons individuelles sont pour la plupart en très mauvais état. Le bardage est décoloré, les toits sont déglingués et les jardins à l'abandon. A l'arrière on retrouve des carcasses de voitures ou des tas de matériaux de constructions oubliés depuis longtemps. S'il n'y avait pas une voiture devant l'entrée on les croirait abandonnées. Rien à voir avec les belles demeures de Californie. Je suis dans l'Amérique profonde qui ne profite plus depuis longtemps de la prospérité américaine.

Peu importe la taille du village que je traverse, l'église ou les églises sont les bâtiments les plus grandioses.
Chacune d'entre-elles affiche un message "divin" inscrit sur un grand panneau. Il oscille entre les phrases classiques de remerciement à Jésus ou à Dieu et les formules imaginatives des pasteurs locaux.
Un petit exemple:
"In your life you'll face giants, we have stones inside" Dans votre vie vous ferez face à des géants, nous avons des cailloux à l'intérieur !
 Un peu d'humour ne fait jamais de mal.
Toujours entretenues, en parfait état, ces édifices sont le symbole qui correspond le mieux à la devise des USA: "In God We Trust" -En Dieu nous avons foi-. D'ailleurs "Oh my God" et "God bless you" sont les mots qui reviennent en permanence dans la bouche des américains. Venant d'un pays laïc il m'a fallu un certains temps pour m'habituer à cette référence continuelle à Dieu.

On est dimanche, tout le monde est à l'église. Jeff a laissé la porte de la chambre des invités ouverte. Je me douche et je prends mes aises. Quand il revient, je suis tout propre .
Jeff est la générosité même.  Pour les enfants du village il a construit une mini salle de jeux, avec flipper, baby-foot, juke-box, distributeurs de canettes et de friandises.  Son passe-temps favori: réparer ces vielles machines. Son immense garage est rempli de ces engins entièrement mécaniques qui ont tous plus de 40 ans !
Une nouvelle salle, plus grande est en préparation. Ce qu'il fait est tout simplement extraordinaire.
Je passe tout l'après-midi à jouer avec les jeunes du village. En pleine partie de baby-foot, on entend un cri venu de derrière la maison. Tout le monde court pour voir ce qui se passe: c'est un animal dans le jardin qui suscite la curiosité des enfants, un tatou peu craintif tout droit sorti de la préhistoire avec sa carapace d'écaille.

Le soir au dîner, Jeff me raconte ses voyages en Europe dans les années 80. A l'époque peu de moyens de communication et encore moins d'Internet. Arrivé à l'aéroport, il prenait le train pour le centre-ville pour chercher une boutique de téléphone avec un opérateur afin de lui demander de lui trouver un hôtel. Si de nos jours beaucoup de gens parlent anglais, il y a 30 ans c'était autre chose! Il plaisante volontier sur les surprises de se retrouver dans des hotels minables proches du taudis, mais "ce sont les joies du voyage" me dit-il. En tout cas je passe un bon moment à l'écouter et une nuit au chaud .

Et le lendemain matin au petit déjeuner je rencontre ses amis. Des fans de Trump, de la patrie américaine et des armes qui ne comprennent pas pourquoi je voyage. Ce sont tous des blancs qui se sentent très bien dans leur village, leurs champs et leur église. Ils n'ont besoin de rien de plus. Ici pas de black ni de latinos, les blancs vivent entre eux. Leur vision du monde se borne à leur village, leur comté et à ce qui s'affiche dans la lucarne médiatique. A force de regarder les images catastrophistes à la TV ils sont effrayés de tout et étonnés que rien de fâcheux ne me soit arrivé durant mon voyage. J'essaie de les convaincre que la vérité ne sort pas de la TV et que 99.9% des gens sont "bons" sur la planète terre. Le sermon dominical du pasteur sur la bonté, n'a pas eu beaucoup d'effet sur leur ouverture d'esprit au delà de leur cercle restreint. Ils m'écoutent, mais figés sur leurs certitudes, je suis persuadé qu'aucun d'entre eux n'a cru un mot de ce discours de "non-violent".
Les panneaux propagandistes sur les intentions de Trump qui jalonnent ma route confirment mon sentiment.






L'histoire de l'état d'Oklahoma représente bien la colonisation de l'ouest américain  !
Le 22 avril 1889, 50 000 hommes blancs, aux aguets tel des prédateurs en quête de leurs proies, attendaient en ligne le tir du canon signalant le départ de la course pour s'approprier des terres précédemment habitées par les Indiens. Il leur suffisait de planter en terre un drapeau pour posséder jusqu'à 64 hectares autour de ce point. L'expropriation des Indiens a été actée par plusieurs lois. A la suite de ça, ils furent parqués dans des réserves avec comme contrepartie un peu d'argent et quelques animaux d'élevage.

L'état d'Oklahoma est situé dans une zone appelée Tornado Alley (Couloir des Tornades) qui est caractérisée par l'interaction entre les vents froids et secs du nord et les vents chauds et humides du Golfe du Mexique au sud. Une moyenne de 62 tornades par an. Heureusement aucune en hiver ! Mais en période froide les changements de température peuvent être très importants et très rapides. Si le vent froid du nord souffle, les températures sont glaciales. Mais dès que le vent du sud reprend le dessus, c'est de nouveau le printemps. Il peut faire 10°C le matin et 0°C l'après midi en fonction du vent. Autant vous dire que je déteste ce vent gelé du nord, surtout si je dois me battre contre lui.

Plus je me rapproche de l'Est du pays plus le terrain est boisé et plus l'air est humide.
Ce qui veut dire: pluie.
En quittant Tulsa à 200km au nord d'Oklahoma City l'eau tombant du ciel fait son apparition. Bien que ce soit désagréable, je peux supporter, un, deux, ou trois jours de pluie et de froid consécutifs, mais sept jours d'affilée c'est vraiment trop ! Le 24 février je reçois un SMS sur mon portable me prévenant d'un risque sévère d'inondation: "évitez les zones inondables". J'obéis instantanément.

Mon petit montage sac poubelle plus poncho (trouvé sur le bord de la route) n'est pas assez efficace. La pluie arrive à traverser ma protection improvisée. La température reste voisine du zéro tout au long de la journée.
A tout problème il y a une solution: j'achète un ciré: un ensemble veste plus pantalon. Pas trop cher bien sur, 12$ (10€) chez Walmart. Je peux enfin rouler au sec !

Depuis mon départ j'observe les prix des denréees et des marchandises dans chaque pays. J'ai constaté très rapidement une différence entre les pays "pauvres" et les pays "riches" due à la mondialisation du commerce. En Europe il coûte plus cher d'acheter des fruits et légumes locaux que des produits "made in China" comme des vêtements, des brosses à dents, du déodorant, ... C'est exactement le contraire dans les pays pauvres. Les fruits et légumes produits localement ne sont pas cher comparés aux produits importés venant de l'autre bout du monde.

Avec cette pluie je ne garde pas un très bon souvenir de ma traversée de l'Arkansas. Je n'ai rien vu à part ma roue avant tournant sur le goudron détrempé. Je n'avais aucune envie de m'arrêter regarder le paysage. Pédaler, c'était le moyen d'avoir moins froid. Face au vent du nord et à la pluie je devais porter cinq couches sur le haut du corps (t-shirt, polaire, veste polaire, coupe-vent et ciré) pour résister à des intempéries comme je n'avais jamais rencontrées jusque là. Avec ces températures glaciales j'aurais préféré qu'il neige. C'est beaucoup moins désagréable. L'eau s'infiltre partout et gèle tout de suite, c'est le pire. Au petit matin, mon vélo est pétrifié dans la glace jusqu'à l'intérieur des gaines de freins ! Sept jours d'une routine détestable: me réchauffer, plier ma tente gelée, dégeler et vérifier mon vélo, rouler toute la journée sous la pluie, monter ma tente, cuisiner un bon plat de pâtes et dormir.

Rien de bien réjouissant mis à part cette petite anecdote.
Un matin, alors que la pluie recommençait à tomber, j'appuie mon vélo contre la caserne des pompiers afin de mettre ma tenue de pluie à l'abri sous le porche. Cinq cents mètres plus loin, pédalant tranquillement sur mon vélo, j'entends une sirène. Dans mon rétro j'aperçois une voiture de police, gyrophare allumé juste derrière moi. Je m'arrête, un policier sort et s'approche de moi. La cinquantaine bedonnant, il ressemble au Sergent Garcia dans Zorro. Je fais un effort surhumain pour ne pas éclater de rire. Il vérifie mon passeport car un voisin a signalé qu'un cycliste avait dégradé la caserne des pompiers. Avec le sourire il me rend mes papiers et me dit qu'il était obligé de me contrôler suite à cet appel, bien qu'il sache parfaitement que je n'avais rien fait. Il me propose même de me transporter 20km plus bas jusqu'à la prochaine ville. Je refuse et je reprends mon chemin sous la pluie. On m'avait dit en Californie que la police américaine était très virulente voire violente. Encore une idée reçue qui s'envole.
.
Mes rares plaisirs pendant ces jours sont les arrêts dans les supermarchés. Rentrer dans un de ces grands bâtiments où il fait chaud et où les produits caloriques sont abondants me redonne le sourire. Je fais le tour du magasin afin de flairer les meilleures affaires. Dans ces supermarchés ouvert 24h/24 on trouve toujours du surplus de nourriture bradé quand la date de péremption arrive à échéance. Il n'est pas rare que je puisse acheter, des muffins, des tartes, des cookies à des prix dérisoires. 6 muffins pour 1€, grosses tartes à 2€, pain de campagne à 0.5€, ... Merci à la surproduction






Après une semaine de mauvais temps à dormir sous les ponts, bercé par le bruit des camions, où aux abords des églises, j'arrive à Memphis le jour de mon anniversaire.
Memphis est connue dans le monde entier pour sa musique. La soul, le blues, le rock'n'roll, ... Les plus grands artistes ont joué et enregistré dans cette ville: B.B King, Elvis Presley, Johnny Cash, ... Au centre ville se trouve également le Lorraine Motel où Martin Luther King Jr fut assassiné d'une balle dans la tête, il y a cinquante ans.

Dan rencontré via le réseau Warmshower m'accueille comme un prince.
En arrivant il me dit : "prends ta douche, la pizza et les bières arrivent dans 10 min".
Elle est pas belle la vie !


Pour fêter mon anniversaire je voulais manger un énorme burger. Deux mois que je suis aux USA sans avoir gouté un hamburger. Mais la spécialité à Memphis c'est le barbecue. Aux Etat-Unis, un barbecue est obligatoirement une grillade de porc. Dan m'invite à déguster une énorme assiette de ribs (côtes de porc) accompagnée d'une bière locale ! Un festin après plusieurs jours de menus répétitifs.

Les quelques jours de route jusqu'à Atlanta furent anecdotiques. Un peu de soleil et un dernier jour de pluie lors de mon arrivée dans l'état de Géorgie. Un cadeau du ciel afin de ne pas regretter mon départ vers l'Afrique.

Les vols à partir d'Atlanta vers l'étranger étaient les moins chers en Amérique du Nord. C'est la seule raison qui m'a poussé à finir mon voyage dans cette immense ville. Mais je ne le regrette pas. J'ai rencontré Katelyn et Johnatan, un jeune couple accueillant et serviable. Je leur explique mes besoins pour préparer mon vol vers Nairobi. Ils m'aident à emballer mon vélo pour l'avion, m'emmènent  jusqu'à l'aéroport et  me cuisinent de bons petits plats en attendant le départ. MERCI !

Je repars des USA sans avoir mangé un hamburger mais j'ai quand-même goûté une dernière spécialité d'Atlanta: le "chicken waffle" -poulet frit, gaufres et sirop d'érable sans modération-. Un mélange de sucré salé calorique et plutôt goûteux☺.

Le titre de l'article "Why is it so hard?" fait référence à la chanson de Charles Bradley. Des paroles qui se répétaient en boucle dans ma tête lors des journées difficiles. Video Youtube ici : Why is it so hard - Charles Bradley
Quand le temps devenait un peu meilleur, je chantais plutôt cette chanson : Gracias a la vida - Mercedes Sosa

Bye Bye America !

Statistiques

Distance : 2986  km
Nb jours : 37
Nb jours de vélo : 28
Nb jours de repos : 9
Etape la plus longue :  131 km
Etape la plus courte :  49 km
Crevaison : 3
Nuit la plus froide : -10°C, Nouveau Mexique, USA

Total depuis le début

Distance : 62642 km
Nb jours : 892
Nb jours de vélo : 613
Nb jours de repos : 279
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 5130m, Abra Azuca, Pérou
Crevaison :19
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -15°C ( Utah, USA)







La Suite...

15/02/2018

USA : La traversée du Far West

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23/12/2017 - 04/02/2018 ; San diego, Californie - Las vegas, Nevada - Albuquerque, Nouveau Mexique

20h , vendredi 22 décembre 2017 je me présente à la frontière des USA, persuadé que le passage va être long et difficile, que la police des frontières va vouloir fouiller mes sacoches et peut-être même vérifier ce que j'ai sur mon smartphone.
Pas du tout !
Quand j'arrive, le douanier est avachi sur sa chaise. Il vérifie mon passeport et me dit d'aller au bureau des permis pour valider mon entrée. Le bureau se trouve quelques dizaines de mètres plus loin. Mais personne n'est là pour vérifier si je rentre au bureau ou pas. Je pourrais très bien continuer ma route et entrer aux USA en toute illégalité et tranquillité.
Au bureau des permis, c'est un joyeux bordel. Il y a plusieurs guichets  mais pas de file unique ou de numéro à prendre. Le fonctionnaire libre appelle juste le suivant et c'est le plus opportuniste qui gagne. Pas très carré tout ça. Moi qui pensais que depuis l'élection d'un Président à la mèche peroxydée les frontières étaient devenues presque infranchissables et la discipline aux frontières bien ordonnée comme un peloton militaire pour le 14 juillet !

L'officiel qui me reçoit après avoir scanné mon passeport me demande mon ESTA. C'est un formulaire à remplir en ligne avant de rentrer aux USA  qui fonctionne comme un pré-visa. Bien que je n'en ai pas besoin pour traverser une frontière terrestre, j'avais pris le soin de le faire "au cas où". Le policier aux frontières veut absolument la version imprimée, alors qu'il a juste à taper mon numéro de passeport dans sa base de données pour retrouver mon ESTA. Mais il semble attaché à vouloir le lire sur du papier. Je retourne à mon vélo récupérer la version papier que j'avais préalablement imprimée et je  refais la queue. Je suis reçu à un guichet différent où le fonctionnaire me demande juste si j'ai mon ESTA mais se fout complètement de la version imprimée.
Les contradictions de l'administration aux frontières !
Il tamponne mon passeport et me voilà en règle pour un séjour de 3 mois aux États-Unis d'Amérique.

En ce dernier vendredi avant Noël, des voitures par centaines sont bloquées sur la chaussée entre la frontière et le centre commercial situé a proximité. Il y a un bouchon monstrueux. Impossible d'avancer même en vélo. Carolina qui  m'héberge est obligée de venir me chercher à pied ! Un comble quand on sait que le monde est en crise et que les gens se plaignent de ne pas avoir suffisamment d'argent.

Carolina, la soeur de Sandra qui m'a hébergé à Tijuana, m'accueille à San Diego comme un membre de la famille. Elle m'invite à passer les fêtes de Noël et du nouvel an en "famille" avec ses trois soeurs et leurs progénitures. J'accepte volontiers cette généreuse invitation.
Avec mon visa "multiples entrées"  je peux aller à Tijuana au Mexique et revenir aux USA autant de fois que je veux.
Carolina a un visa de résidente. Elle vit et travaille depuis plus de dix ans aux Etats-Unis. C'est un sacrifice financier à faire, pour espérer obtenir la nationalité américaine. Elle voudrait ensuite revenir vivre de l'autre côté de la frontière au Mexique où le coût de la vie est bien moindre. Ses sœurs ont seulement un visa de travail qui les oblige à rentrer chaque soir à Tijuana. 

Les "Latinos" représentent 18% de la population américaine. En Californie cette proportion passe à 38%. Les frontaliers, inquiets suite aux déclarations du nouveau Président américain, m'expliquent que l'économie de la Californie serait exsangue si les mexicains devaient perdre leur visa de travail.
Durant les quinze jours que je passe à San Diego, je traverse avec Carolina plusieurs fois la frontière, pour aller déguster mes derniers tacos, tamales ou tout simplement pour aller boire un verre ou voir ses amis. C'est dans une ambiance de fête latino que je passe quinze jours de repos formidables : MERCI !

Aprés une prolongation pour fêter l'épiphanie, qui est le jour du "Rosca de Reyes" (gateau des rois similaire à la brioche provençale), je reprends la route le lundi 6 janvier 2018 en direction de Las Vegas sous la pluie . Le bulletin météo le prévoyait. J'aurais pu rester au chaud et attendre que ça passe. Mais comme je commençais à avoir des fourmis dans les jambes, j'ai choisi de partir. Deux jours de pluie et de vent ininterrompus dans les montagnes à une altitude de 1500m.  6°C, pluie, vent. Dur, dur la reprise. Je décide de changer d'itinéraire et de bifurquer immédiatement vers le désert au lieu de suivre la route des montagnes. En redescendant vers Salton city je retrouve enfin le soleil et je laisse derrière moi les nuages accrochés aux sommets des montagnes.

Malgré le vent de face je profite pleinement de l'immensité de ces paysages désertiques. Le passage sur la route 66 rend encore plus mythique chaque tour de roue. Je suis bien aux USA !
La légendaire Route 66 part de Chicago, Illinois au Nord-Est pour arriver en à Santa Monica en Californie, 3940km plus loin à l'ouest. C'était l'une des premières autoroutes entièrement goudronnée aux USA en 1938. Hélas, les temps ont bien changé et elle n'est plus que l'ombre d'elle même. La Route 66 n'existe plus en temps que telle depuis 1985. Certains tronçons ont été remplacés par des autoroutes inter-états et des routes locales. Les parties abandonnées sont impraticables: ponts détruits, qu'il faut franchir à gué, chaussées défoncées ou recouvertes de sable. Le juteux business lié au trafic routier a disparu, les restaurants, bars, motels sont pour la plupart en ruines. Seuls les endroits devenus touristiques survivent. Une des curiosité de la route 66, ce sont les panneaux qui invitent les citoyens à dénoncer les conducteurs bourrés ou qui demandent aux véhicules de ne pas prendre d'auto-stoppeur dans une zone pénitentiaire ouverte !






Je visite Las Vegas, la ville du rêve ou de la décadence américaine.
Las Vegas Boulevard, la rue principale, est envahi par des hordes de touristes américains ou asiatiques qui se ruent de casino en casino.

 La nuit, la cité déploie toute sa beauté et illumine le ciel du Nevada. A plus de 100km dans le désert j'apercevais encore les puissantes lumières du show nocturne.
Finalement elle a tout de même son charme.




Un jour dans ce "paradis" et je poursuis ma route vers le nord pour découvrir les magnifiques Parcs Nationaux de l'ouest américain.
L'accès aux Parc Nationaux américains est payant, quel que soit le moyen de locomotion.
Fort heureusement, j'ai un "National Park senior Pass" - passeport d'accès aux parcs nationaux - encore valide que m'a donné un cycliste français croisé en Amérique Centrale, qui avait parcouru le sud des States .

Dès mon arrivée dans l'Utah, le paysage change. De superbes montagnes aux strates colorées s'étendent devant mes roues sur une route bitumée aux couleurs de la vallée.
Au pied du Parc National Zion, je suis hébergé chez Robin et Tracy dans ce qui reste d'une vieille caravane en aluminium des années 60 posée sur des poutres en bois au fond du jardin. Dans cet abri un peu kitsch mais confortable, je regarde la neige tomber à travers la petite fenêtre. Un jour d'attente à 1500m d'altitude pour laisser passer une courte vague de froid arrivant du nord .
Après un petit jour de repos et quelques bières je traverse le Parc National Zion.
Absolument splendide !!!
La route serpente au milieu d'un canyon géant aux dégradés de couleurs ocres.

Avec le shutdown, l'entrée du parc est gratuite. Aucun Ranger ne travaille . Le "shutdown": l'arrêt en français, résulte du blocage du Congrès américain qui n'a pas réussit pas à voter le budget pour les opérations gouvernementales. Dans ce cas, l'administration fédérale cesse par manque d'argent tout service à la population à l'exception, dans un premier temps, des services dits « essentiels » comme la police, l'armée, les hôpitaux ...

Sur la route me menant au Grand Canyon je vis mes journées et mes nuits les plus froides depuis les hauts plateaux Andins (Chili, Pérou, Bolivie) . Dans la journée le thermomètre dépasse tout juste les 0°C et la nuit il frôle les -15°C. Mes bouteilles d'eau gèlent entièrement en l'espace de quelques heures. Mon dentifrice, mon huile d'olive, ... aussi. Après avoir fait ma vaisselle, l'eau qui reste au fond de la casserole gèle en un clin d'œil.
La nuit dans mon duvet, l'air que je respire me glace la gorge !!!
Heureusement que les journées sont ensoleillées.
Je me dis souvent que ça pourrait être pire.
Et puis visiter le Grand Canyon vaut bien un bivouac frigorifique !

Arrivé dans le Parc National du Grand Canyon je reste bouche bée devant le spectacle. Je n'ai jamais rien vu de tel.
La nature s'est donnée des millions d'années pour creuser cette immensité. C'est tout simplement magique, unique !
Même en ouvrant très grand mes yeux j'ai du mal à percevoir le gigantisme. Sous un ciel limpide le fleuve Colorado serpente 1300 mètres plus bas et continue de façonner le canyon. Comme c'est l'hiver et qu'il fait froid à cette altitude de 2200m, il n'y a pas foule. Assis au bord du Grand Canyon, je profite longuement et égoïstement du panorama .







Après avoir admiré toutes ces merveilles je continue ma route vers l'est. Je traverse les plaines désertiques du Far West jusqu'à Flagstaff puis Albuquerque. Le chemin de fer avec ses longues voies rectilignes comme on le voit dans les westerns suit la Route 66.
Sur le chemin je fais un détour pour visiter le parc national de la Forêt Pétrifiée.
C'est impressionnant de voir l'état de conservation de ces arbres après des millions d'années de transformation. Enfouis sous des dépôts sédimentaires riches en silice, le bois a été transformé en quartz. La silice a remplacé lentement la matière végétale et fossilisé les troncs. L'érosion et le soulèvement de la croûte terrestre ont mis au jour toutes ces merveilles.

Les températures diurnes redeviennent acceptables, autour de 15°C. Seules les nuits sont fraîches, au alentours de -10°C.
Je suis à Albuquerque dans l'état du nouveau Mexique, affûté et bronzé comme un grimpeur du tour de France. Le froid a grignoté toute la graisse emmagasinée pendant les fêtes !





Comment résister au froid ?

Mon duvet est donné pour une température de confort de 0°C .
Pour dormir confortablement, je lui additionne plusieurs couches de vêtements :
- bas du corps : deux paires de chaussettes, deux pantalons,
- haut du corps : un t-shirt à manche longue, un polaire, un coupe vent, une doudoune, un tour de cou et un bonnet
 L'isolation du sol est capitale: pour ça j'ai un épais matelas gonflable (Therm-a-rest neoair xterm regular )
 Avec tout ça je dors presque bien jusqu'à -15°C. Au petit matin seulement, je commence à avoir un peu froid aux pieds à cause de l'humidité qui se concentre à l'intérieur de ma tente. Mon duvet est souvent bien mouillé aux pieds ☹.

Le soleil se couche vers 17h30 et se lève à 8h.
J'ai quelque peu changé le rythme de mes repas.
Je bois un bon café chaud dès la sortie du "lit" avec de l'eau chaude que j'ai préalablement fait bouillir la veille et versée dans mon thermo. Je le glisse dans mon duvet la nuit pour avoir de l'eau bien chaude. Précaution indispensable par ces nuits froides et longues où l'eau refroidit très vite.
Ensuite je déjeune copieusement vers 10h et je grignote un peu dans la journée. Je ne fais pas de gros repas de midi, sinon à l'heure du dîner, vers 17h, je n'ai pas faim.
Le repas du soir c'est grand luxe avec une soupe géante : légumes, coriandre, ail, huile d'olive, fromages et riz ou pâtes. Ce repas est le plus important par ces températures. Il me permet de rester chaud presque toute la nuit.
Je décampe souvent au petit matin, juste après le lever du soleil. Il fait encore très froid, parfois -8°C sous le soleil.
Et encore une fois j'empile les couches, que j'enlève ensuite au rythme de l'augmentation de la température ambiante !
Pour m'adapter aux conditions extrêmes, il me faut être inventif: mes habits peuvent être multi-usages, comme mes épaisses  chaussettes de nuit que j'utilise comme écharpe dans la journée ☺.

En quittant la Californie et ses températures clémentes, j'avais besoin d'un bon bonnet et d'une couche supplémentaire pour résister au froid du matin. J'aurais pu acheter du "made in China" dans un supermarché. Mais dans cette Amérique de la surconsommation, les gens se débarrassent de tout ce dont ils ne veulent plus. Le bord des routes est une mine d'or. J'y ai trouvé une veste O'Neill, neuve, qui sentait encore la lessive. Bien plus propre que les vêtements que je portais depuis plusieurs jours. J'ai également "glané" un bon gros bonnet .
Parfait.
Il y a de tout sur le bord de la route : casquettes, pantalons, gants, serviettes, ... souvent en bon état!

Certains me traiteront de radin ou de clodo et ils auront bien raison, mais je me définirais plus comme un "écolo sobre" à l'image de ce que décrit Pierre Rabi dans son livre "La sobriété heureuse"☺. 
De toute façon je n'ai pas honte de mes actes.
Je les assume pleinement !
C'est le mode de voyage que j'ai choisi dès le départ: limiter les dépenses, l'empreinte carbone en utilisant le matériel jusqu'à usure complète et limiter le poids que je dois transporter.

A quoi ressemble la vie aux USA ?

Ce qui m'a marqué, quand je suis entré aux USA par la Californie, c'est le gigantisme des infrastructures. D'énormes 4x4 circulent sur des routes super larges et sur des autoroutes à cinq voies, flanquées de grands centres commerciaux tous les cinq kilomètres. Les larges avenues sont bordées de beaux et larges trottoirs pour les piétons et de pistes cyclables.
La Californie, l'état le plus riche des Etats-Unis, concentre un grand nombre de SDF. Je suis choqué de les voir squatter les trottoirs au pied des grandes tours ou à l'entrée des centres commerciaux. Jusqu'ici je n'en n'avais jamais vu autant. Vu d'Europe on pourrait croire que ce sont les immigrés, montrés du doigt par le Président américain: mais pas du tout. Ils sont pour la plupart blancs ou d'origine africaine et sont aux USA depuis plusieurs générations. La grande majorité sont âgés. Ce sont les oubliés du système libéral qui n'ont pas assez d'argent pour se payer un logement et dorment dans la rue.
La pauvreté au pied des immeubles synonymes de l'économie florissante, c'est vraiment triste ☹.

Les horaires d'ouverture des commerces sont bien différents de la France. Beaucoup de fast food, de grands supermarchés, de vendeurs de donuts, ... sont ouverts 24h sur 24, 7 jours sur 7 !
Et c'est sans parler de Las Vegas où même le réparateur de pneu est ouvert 24h/24 7j/7 !
Pour faire la publicité de leurs commerces certaines enseignes embauchent des hommes ou femmes sandwiches qui promènent leurs pancartes au feu rouge sous le nez des automobilistes buvant leur soda ou grignotant leur burger. Les plus agiles essaient par de belles pirouettes de capter l'attention des conducteurs, quand d'autres défilent comme des pin-ups désabusées lors d'un match de boxe.

Dans les états de Californie, Nevada, Arizona et Nouveau Mexique on trouve quasi systématiquement le double affichage anglais - espagnol. Il m'est souvent arrivé de parler espagnol. Une langue que je commence à maîtriser et qui est bien plus facile à prononcer que l'anglais.

Au fil des jours et des kilomètres j'aime de plus en plus de ce pays. J'avais pourtant un a priori négatif sur les américains, après avoir été traité maintes fois de gringo en Amérique Latine. Je n'aurais jamais imaginé au début de mon voyage, d'apprécier autant les USA. Les conditions de voyage sont agréables et sécurisantes. Les paysages sont superbes.  Les routes sont goudronnées et larges. Je trouve de l'eau et de la nourriture facilement. Camper le soir est super simple. Bien qu'il y ait des barbelés le long de la route, il y a toujours une entrée accessible sur ces terres publiques.
Mes hôtes du réseau Warmshower sont adorables.
Je prends énormément de plaisir.
Que du bonheur !


Statistiques

Distance : 2328  km
Nb jours : 44
Nb jours de vélo : 23
Nb jours de repos : 21
Etape la plus longue :  131 km
Etape la plus courte :  19 km
Crevaison : 4

Nuit la plus froide : -15°C, Utah, USA

Total depuis le début

Distance : 59658 km
Nb jours : 855

Nb jours de vélo : 585
Nb jours de repos : 270
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 5130m, Abra Azuca, Pérou
Crevaison :16

Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -15°C ( Utah, USA)


La Suite...

28/12/2017

Mexique : aux portes de l'Eldorado

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29/10/2017 - 22/12/2017 ; Chetumal - Palenque - Oaxaca - Guadalajara - La Paz - Tijuana

Arriver au Mexique c'est de nouveau avoir accès à la corne d'abondance ! Des stands de tacos, quesadillas et burritos à tous les coins de rues, mais surtout des grands supermarchés avec des produits à prix "européen". Les yaourts, les céréales, la pâte à tartiner, ... sont au même prix qu'en France. Je n'avais plus connu ce luxe depuis ma sortie de l'Europe en août 2015. Fini le paquet de céréales au chocolat à 7€, le mini pot de yaourt à 2€, le Nutella à 10€ les 200g, ... Quel bonheur. J'ai dû passer presqu'une heure dans le premier supermarché Walmart que j'ai trouvé lors de mon arrivée à Chetumal, ma première ville mexicaine. Je ne savais plus où donner de la tête. Trop de choix ! J'ai opté pour un classique : bière Corona, cacahuètes et une boîte de 8 muffins. Délicieux après des mois de consommation locale.

C'est la période de la Toussaint, de la fête des morts. La célébration, différente de ce qui se fait en Europe, est bien plus festive. Ce n'est pas un rassemblement triste où tout le monde pleure. C'est une fête qui dure plusieurs jours, pendant lesquels les  mexicains  se déguisent en jouant de la musique. Les autels aux couleurs éclatantes recouverts d'offrandes et de photos des défunts fleurissent aux abords des cimetières où à proximité des calvaires qui jalonnent ma route. On y voit aussi des "épouvantails macabres" un peu partout dans les villages. C'est un mélange curieux de culture chrétienne et indigène.

Tout semble parfait dans ce pays. Je traverse les provinces de Quintana Roo et Campeche avec le vent de dos. Je dors chez les pompiers ou aux postes de la Croix Rouge.
Ma première nuit je l'ai passée dans un poste de contrôle de la tuberculose bovine posé au bord de la route à l'entrée d'un petit village. Juan, un homme d'une soixantaine d'années était tout seul dans sa guitoune. Après quelques mots il m'autorise à dormir dans le mini dortoir juste équipé d'un lit superposé qui lui sert de salle de repos. Je prends une douche, je me cuisine un peu et je discute quelques heures avec lui. Il travaille par roulement de 48h et s'occupe de vérifier et de signer ou non les permis de transit des bovins. Il y a plusieurs mois des gangsters ont dérobé tout le matériel informatique de la station ainsi que la télé. Et depuis, il passe toute sa vacation seul sans aucun divertissement. Il ne voit plus de près et ne peut lire que les gros titres du journal. Ma visite casse son ennui. En effet, il se trouve sur un axe où il y a très peu de passage et donc quasiment pas de boulot. Rien à faire pendant 48h ! Dur mentalement. Le lendemain aux aurores je reprends mon chemin après avoir chaleureusement remercié Juan.

Pour varier la routine culinaire d'Amérique centrale (riz, haricots, poulet) je remplis mon estomac avec de merveilleux tacos de poulet, chorizo, al pastor ... et un soda. C'est tellement peu cher: un tacos coûte entre 4 et 10 pesos (0.20€ ou 0.45€) accompagné de sauce piquante verte qui paraît toute douce mais qui se révèle explosive si on en abuse. Une bouteille de 3L de coca coûte 24 pesos (1€). D'ailleurs les Mexicains qui ont toujours une bouteille à portée de main, ne s'en privent pas. Je peux largement me permettre de boire 1.5L de soda par jour. Je l'élimine avec facilité. Mais pour un sédentaire c'est autre chose. Beaucoup de mexicains sont en surpoids. Tacos plus soda: pas très sain comme nourriture ! C'est le cocktail qui conduit à une progression permanente de l'obésité dans les campagnes mexicaines.




En arrivant dans la province du Chiapas j'ai l'impression d'être au Guatemala: la culture, la jungle, les gens, la nourriture, une sensation de déjà vu. Les montées infernales sous une température de 35°C sont les mêmes !  Dur dur ! La vie de cycliste. En revanche je ne vois plus de femmes faisant des tortillas à la main sur leur étal dans la rue. La fabrication y est mécanisée.

Je ne visite pas les ruines de Palenque et Tonina. Intéressant et joli mais j'ai eu ma dose de ruines précolombiennes au Guatemala. En revanche, je m'arrête longuement près des magnifiques chutes "Agua Azul": une eau bleu cristalline ruisselant en cascade sur une roche calcaire.
Il y a un mois le cours d'eau arrivant à la chute s'est brusquement tari. La déforestation alentour à modifié le réseau hydrologique coupant ainsi la source d'alimentation des chutes. Les autorités ont dévié une rivière voisine pour rétablir l'arrivée d'eau sur la chute visitée chaque année par des milliers de touristes. Les habitants, pressés de retrouver les ressources qui y sont liées, ont eux-mêmes participé pelles et pioches à la main au nettoyage du lit de la rivière. Encore un exemple qui montre le résultat du gaspillage des ressources naturelles qui pénalise les pays les plus pauvres pour alimenter le marché occidental.


Le Chiapas est la terre des Zapatistas, un mouvement révolutionnaire et altermondialiste s'inspirant de Che Guevara et d'Emiliano Zapata qui revendique la restitution de territoires communaux aux populations indiennes qui en avaient été spoliées et qui s'oppose à diverses mesures tendant à faire respecter les propriétés collectives. L'homme blanc, le gringo, n'est pas toujours le bienvenu. Bien que la plupart des gens soient sympathiques et souriants, je me suis fait régulièrement insulter par des gamins (fu... you gringo ) et j'ai même eu droit à quelques jets de pierres.
A San Cristóbal de las Casas, une petite ville touristique connue pour son architecture coloniale, je me repose quelques jours. Repos ne veux pas dire farniente. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire des crêpes et d'y tartiner une épaisse couche de Nutella .

En redescendant vers la mer je rencontre quelques cyclistes venant d'Alaska et allant jusqu'à Ushuaia. Ils sont partis entre avril et juin et descendent-en suivant les saisons afin de profiter au maximum du beau temps. On discute et on échange quelques bons plans. Je retrouve également les charmes du camping sauvage sur la route menant à Oaxaca. Un pur plaisir solitaire, silencieux, en communion avec dame nature: installer sa tente, dîner, boire un café et terminer la soirée par un peu de lecture, ... Pas besoin de quémander un hébergement, de parler et de raconter pour la millième fois mon parcours. J'aime discuter, échanger mais aussi alterner avec des soirées au calme, tout seul en pleine nature.

Par une nuit venteuse, je suis réveillé brutalement par un claquement sur la toile extérieure de ma tente. Encore un peu endormi, je constate que la fermeture éclair de ma toile extérieure à lâché. Je mets rapidement un vêtement chaud et ma lampe frontale. Je tente un bricolage de fortune avec deux cailloux que je tape de chaque coté pour resserrer le zip. Au bout d'un quart d'heure qui m'a paru durer dix fois plus et quelques coups sur les doigts, la fermeture semble enfin tenir bon. Inquiet de la tenue de ma réparation, je veille de longues minutes avant de m'endormir.

Après une belle montée jusqu'à 1555m, à Oaxaca, je vais visiter les ruines de Monte Alban. Plus pour la vue que pour l'histoire. Le site Zapotec est perché à 1940m, au sommet d'une montagne. La vue en haut de ces pyramides est à couper le souffle. Je passe toute la matinée à monter sur chaque pyramide à degré sans m'en lasser. Je m'assois et je m'imagine ces peuples profitant de l'immensité qui s'étend devant moi.

Je décide de passer à l'ouest de Mexico, la capitale. Cette immense mégalopole polluée et dangereuse ne me dit rien. Pour l'éviter je roule au sud-ouest à travers une chaine de montagne avec des passages jusqu'à 3200m. Les matinées sont fraîches à cette altitude, 0°C: obligé de porter mes moufles pour ne pas me geler les mains. Fort  heureusement la route redescend ensuite jusqu'à Guadalajara. Les paysages ressemblent à l'image que l'on se fait du pays: désertique avec des cactus géants. Je traverse la zone de production du Mezcal. Un alcool fabriqué à partir de l'agave comme la tequila.
La différence ?
- Ils sont produits dans des états différents
- La tequila est distillée exclusivement avec de l'agave bleu alors que le mezcal est réalisé avec tout type d'agave
- Les processus de productions sont différents

A Guadalajara je me repose à la casa de ciclista la plus connue du pays. Elle est gérée par un collectif qui promeut le déplacement en vélo dans la ville.  Cette association permet entre autre à des gens qui ont peu d'argent de s'offrir un vélo en réparant des bicyclettes données ou récupérées chez des particuliers.
Les bénévoles proposent également d'apprendre à construire son propre vélo: en bambou ! Ils possèdent tous les outils et le savoir faire nécessaire. Il suffit d'acheter le matériel brut: le bambou, la résine, et d'y mettre une bonne dose d'huile de coude. Un partage de connaissances gratuites réalisé par des bénévoles engagés. Et c'est sans compter les dizaines de cyclistes hébergés gratuitement dans leur local. Une belle leçon d'altruisme !

Je passe trois jours dans cet énorme appartement avec douche, cuisine, wifi, ... Je répare le matériel qui a beaucoup souffert comme les zips de ma tente Hilleberg akto. Le slider s'use et la fermeture éclair ne ferme plus. J'ai plusieurs fois utilisé une pince ou deux pierres pour resserrer le slider. Cette solution a fonctionné plusieurs mois jusqu'à usure complète du zipper. La réparation n'est pas très difficile mais prend du temps. Tout mon matériel s'use à vitesse grand V. Il faut dire que je l'utilise intensivement tous les jours. Je ne pourrai jamais le revendre en disant: "je l'ai acheté il y a dix ans et il est comme neuf".








Après un dimanche à Guadalajara où j'ai fait le plein de quesadillas (chorizo, oignon, fromage) et de guacamole, je reprends la route direction la ville de Mazatlán dans l'état de Sinaloa, mondialement connue pour être la base du cartel dirigé par "el Chapo", un des plus fameux barons de la drogue mexicaine. Un cycliste mexicain rencontré sur le chemin m'a expliqué qu'il ne se sentait pas en sécurité dans cette région. Il sentait que les gens et la police le regardaient bizarrement. Il a préféré faire du vélo stop pour traverser cet état. Pour ma part je n'ai remarqué aucune animosité de la part de la population, tout s'est bien passé. Les gens ont été sympas, comme d'hab.

A Mazatlán je décide de prendre le ferry pour la péninsule de Basse Californie. Comme le ferry régulier de la compagnie Baja California ne partait que le lendemain, je traverse le golfe de Californie -la mer de Cortes- sur un ferry cargo.  J'ai opté pour la compagnie TMC qui transite tous les jours, charge voitures, camions, fret et accepte quelques passagers. 1197 pesos pour rejoindre La Paz. Ce n'est pas le luxe, il n'y a pas de cabines, juste une grande salle avec sièges et TV où se retrouvent tous les routiers. Suffisant pour moi et en plus très convivial . De plus le billet comprend la douche chaude, le dîner et le petit déjeuner. Il n'y a pas d'horaire fixes. Le bateau part dans l'après midi une fois tous les camions et autres véhicules chargés. Ensuite la traversée dure 17 heures pour arriver à La Paz dans la matinée.


Je passe deux jours à La Paz, une ville au bord de la mer de Cortez, hébergé par une famille au grand cœur, qui reçoit quasiment tous les cyclistes qui passe par là. Plus de 300 en 3 ans. Nous étions 4 cyclistes ce jour-là. Un grand merci à Tuly et sa famille pour leur générosité !

Ici le français le plus célèbre est le commandant Cousteau. Sa statue qui trône sur une plage, regarde la mer en direction de l'île qui porte son nom depuis 2009 en signe de reconnaissance pour sa lutte pour la protection de la biodiversité du Golfe de Californie.

Plus d'un millier de kilomètres pour rejoindre Tijuana dans ce désert sec, venteux et chaud qui est loin d'être inhabité. Je traverse des villes et des villages presque tous les jours. L'eau n'est pas un problème. Je n'ai jamais transporté plus de 7 litres, une quantité d'eau, largement suffisante pour aller d'un point habité à un autre. Ce sont des ranchs ou des restaurants de bord de route. Le soir je me permettais même de prendre une douche à la bouteille d'eau. Tout le long de la route numéro 1 les paysages sont superbes et varient du désert plat sans végétation aux petites montagnes hérissées de cactus géants.
Depuis la carretera austral en Patagonie je n'avais plus croisé autant de cyclistes. Entre 3 et 6 par jour. Tous allant vers le sud et la chaleur, fuyant l'hiver aux USA, pendant que moi je vais au nord l'affronter. Tous les soirs j'installe ma tente assez tôt pour profiter des couleurs magnifiques du soleil se couchant à l'horizon. Les températures ont été clémentes, pas plus de 30°C la journée. Ma nuit la plus froide fut de -1°C. Largement supportable avec mon équipement.

Quatorze jours de vent de face, de La Paz à Tijuana, 1500km de galère à se faire gifler la "gueule" par Éole !
Pourtant j'étais prévenu. Dennis un allemand, qui m'avait accompagné en Indonésie il y a dix-huit mois, m'a contacté sur les réseaux sociaux pour me conseiller de prendre le bus !
Mais non! L'entêté que je suis lui a rétorqué qu'il ne prenait jamais le bus. Il m'a traité de fou (You're a crazy guy !).
Tous les cyclistes choisissent de faire le parcours des Amériques et en particulier la route de Basse Californie dans le sens nord-sud. Avec le vent de dos, tout est plus agréable. Moi, je roule à contrevent depuis mon arrivée à Ushuaia il y a un an. Cherchez l'erreur !
"Payer 50€ pour traverser la mer de Cortes et lutter tous les jours contre ce p... de vent": voilà ce que j'aurais pu écrire juste après mon arrivée à Tijuana à la fin de la traversée de la Basse Californie. Mais j'écris cet article au chaud, à l'abri du vent, reposé. La route, la galère est presque loin. En tout cas elle n'est plus palpable. Avec cette quiétude je relativise et me dit que ce n'était pas la mort, pas si difficile: une fois terminées, les difficultés se transforment en aventure dans la bouche du voyageur. Sans ce vent de face le voyage se serait déroulé sans difficulté mis à part les quelques légères collines à gravir.


Sur cette route, non seulement les cyclistes attirés par la chaleur, mais aussi les camping-cars américains roulent vers le sud. Ils remplissent les superbes plages de la mer de Cortès, alignés comme sur un parking de supermarché.
Deux jours avant d'arriver à Tijuana, à la frontière avec les USA, je m'arrête chez Gabino.  Il n'est pas chez lui lorsque j'arrive devant sa porte. Mon téléphone ne capte pas de réseau GSM pour le contacter.
J'aperçois un voisin qui vient vers moi et me dit tout simplement:
"Tu peux rentrer c'est ouvert. Le mot de passe du wifi est sur la table".
Je contacte Gabino par Whatsapp. Il est aux USA et rentre dans la nuit.
Il me dit : mi casa es tu casa (ma maison est ta maison).
Ouuuaah, impressionnant !
Le summum de la générosité mexicaine. Plus je voyage, plus je suis émerveillé par l'altruisme des gens que je rencontre. Peu de gens sont capables d'une telle humanité. Gabino a hébergé plus de 350 cyclistes et jamais un problème.

J'écris ses mots depuis Tijuana après mes trois derniers jours de vent de face en Basse Californie. Je vais passer les fêtes de Noël à San Diego, Californie, si l'administration Trump veut bien me laisser entrer pour toucher du doigt le rêve américain.

A moi l'Eldorado !


Statistiques

Distance :  4556 km
Nb jours : 55
Nb jours de vélo : 42
Nb jours de repos : 13
Etape la plus longue :  198 km
Etape la plus courte :  43 km


Total depuis le début

Distance : 57330 km

Nb jours : 811

Nb jours de vélo : 562
Nb jours de repos : 249
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 5130m, Abra Azuca, Pérou

Crevaison : 12
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -10°C ( Paso San Francisco, Chili)




La Suite...