14/12/2018

Tanzanie : Enfin je respire

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17 avril 2018 - 1er mai 2018
Dodoma, Tanzanie - Mbeya, Tanzanie

            Si le passage du Rwanda vers la Tanzanie est long et fastidieux, le temps n'est pas un problème pour moi. Je suis en vacances depuis presque trois ans. Quelques heures d'attente supplémentaires n'entament plus ma patience !
Après avoir fait la queue pendant 30 min, j'arrive au comptoir. Le visa touriste de 3 mois, coûte 50$. Je n'ai sur moi que des billets de 20$ et la douanière n'a pas de monnaie ! Il m'a fallu plusieurs personnes et presque une heure de persévérance pour trouver deux billets de 10$. La douanière n'a fait aucun effort. Elle aurait sans doute préféré que je ne trouve pas ce billet pour empocher la différence !
Passé l'administratif, j'ai longuement négocié pour changer mes Francs rwandais. Ma première négociation me faisait perdre presque 20%. A la fin, après des dizaines de : "je prends, je compte, je ne suis pas satisfait, je rends les shillings tanzaniens", j'ai réussi à avoir un change pas trop défavorable: 8% de perte. C'est conséquent, mais personne ne veut des Francs rwandais. La banque à la frontière ne les change même pas : seule solution le marché noir. Habituellement je refuse de changer si je perds plus de 5%.
Mais il faut bien s'adapter !
Plus de 2 heures à palabrer !
Un temps négligeable, ici en Afrique, mais une éternité pour un européen

           Pour traverser la Tanzanie direction la Zambie, au sud, j'avais deux options :
 - Les pistes boueuses de l'ouest. Chemin le plus court en distance mais sûrement pas en temps à cause de la saison des pluies qui n'est pas terminée.
 - La route goudronnée avec 1000km de détour.
Comme je déteste pousser mon vélo dans la boue sur des kilomètres, j'ai choisi l'option numéro deux. J'en profite pour éviter des zones infestées de mouches tsé-tsé, cet insecte qui peut vous donner la maladie du sommeil et qui pique à travers les vêtements. Il faut porter plusieurs couches pour être protégé. Pantalon, veste, gants, ... sous 35°C. Pas super agréable.

Sur mon compte Facebook j'ai écrit :
"Pour éviter la boue des pistes Tanzaniennes durant cette saison des pluies j'ai suivi la route principale goudronnée. Un détour de 1000km mais un énorme plaisir !
Les tanzaniens qui sont sympas et souriants  respectent mon intimité: fini les attroupement autour du "Mzungu" ( le blanc ). 
J'ai enfin un peu d'air lors de mes pauses déjeuner pour déguster mes chapatis, chips mayai ( omelette frites ), riz haricots, ... Pour moins de 1€ ! 
Presque hors de prix quand une nuit à l'auberge coûte 2€ 😂😂😂
J'ai vécu le grand luxe pendant quinze jours. Je n'ai presque jamais sorti ma tente."
Ces quelques mots traduisent bien mon ressenti sur la Tanzanie.
Dès les premiers kilomètres après la frontière, j'ai la sensation que ce pays paisible va me plaire. Pas de trafic, des villages tout au long de la route pour me ravitailler et des zones presque vierges pour dormir la nuit avec ma tente.
Parfait !



           Et puis la route principale est pleine de vie, de villages, de gens qui marchent au bord des routes, de véhicules tellement surchargés que la moindre bosse peut être fatale au chargement, ...
L'Afrique est tellement différente de l'Europe que le "spectacle" est partout.
Les femmes sont toujours chargées: un enfant dans un bras ou sur le dos, un sac dans l'autre  et une bassine de linge sur la tête. Je suis encore étonné, aprés deux mois en Afrique, de voir que les femmes se démènent pour faire tous les travaux alors que les hommes attendent assis au bord des routes un hypothétique travail ou un possible client devant leur boutique. C'est le seul continent où j'ai constaté ce comportement. Partout ailleurs dans le monde, les hommes participent à bon nombre de travaux, sans toutefois fournir un travail équivalent à leurs épouses.
Les cyclistes aussi portent de lourds fardeaux: régimes de bananes, sacs de charbon de bois immenses ou nombre de passagers de tous âges.
Au centre des villages la "station" de mototaxi est un terre-plein boueux où s'alignent dans un ordre tout africain les motos chinoises qui peuvent supporter jusqu'à quatre personnes.
Les ébénistes locaux exhibent devant leurs ateliers des cadres de lits multicolores fabriqués à la main.

Jusqu'à la capitale, Dodoma, la route est parfois superbe, surtout quand elle est récente et construite par les Allemands, au contraire des nouvelles routes kényanes construites par les Chinois qui sont déjà bosselées après quelques passages de camions. Avec trois centimètres de macadam il ne faut pas s'attendre à des miracles !
Hélas, la route tanzanienne très hétéroclite peut être parfois horrible :  trous, bosses, goudron fondu, boue quand la rivière a débordé et même inondée sous plusieurs centimètres d'eau ! C'est du sport tous les jours et j'adore ça.
Pour avoir l'énergie d'affronter ces difficultés, il suffit que je m'arrête dans un village et que je dévore la nourriture locale. La spécialité que je trouve partout : "chips mayai" une omelette avec des frites. Un cocktail bien gras et salé mais tellement nourrissant. Pour cinquante centimes d'euro je ne me prive pas ! La cuisine de rue fait partie du quotidien en Tanzanie.  Dans chaque village il est possible de manger. Quelquefois une nourriture de pays pauvre : juste du manioc bouilli. Mais au moins je ne meurs pas faim 😁.
La plupart du temps j'ai le choix : chips mayai, chapati, beignet, riz - haricots rouges - poulet - viande de chèvre, ...

          Le plus grand des luxes c'est de pouvoir choisir où je vais passer la nuit : camping sauvage dans les grands espaces entre les villages où je peux facilement installer ma tente ou auberge, ces "guest houses" pas chère pour dormir dans un lit.
Quand je dis pas chère, c'est vraiment pas chère : 2€ la nuit !
Bien sûr il ne faut pas s'attendre au Ritz. C'est plus petit qu'une cellule de condamné à mort, mais je peux y faire entrer mon vélo avec ses sacoches.  Un lit, des draps  propres et un coin avec un bac en forme de toilette à la turque qui sert aussi de douche. Pas de robinet, juste un seau d'eau froide multi usage, ce qui par 35°C est tout à fait acceptable. C'est le plus important pour moi. Certaines gargottes ne possèdent pas l'eau courante : il faut aller soi-même chercher l'eau au puits. Pour le prix c'est compréhensible.



        Durant ces cinq jours sur la route jusqu'à la capitale j'ai pris un immense plaisir. Je n'ai pas été importuné par les tanzaniens, j'ai bien mangé, et je me suis régalé à observer la vie locale. Pas de lion, léopard ou tout autre animal sauvage: ils sont cantonnés dans les parcs nationaux !

        Pour ne pas être livré à moi-même à Dodoma, la capitale de la Tanzanie, je passe quelques jours chez Ana, une ukrainienne mariée à un médecin Tanzanien. Ils font partie de la bourgeoisie locale et vivent dans un appartement récent tout près du centre ville. Nous visitons la capitale administrative, siège du Gouvernement et de l'Assemblée, qui n'a rien d'une ville surpeuplée et bordélique. Le poumon économique du pays se situe sur la côte Est à Dar'es Salaam qui était la capitale jusqu'en 1974 avant que le  pouvoir ne la déplace afin de développer la région centre.
Je rencontre quelques amis d'Ana dont Marco, un pédiatre qui a passé plus de quarante ans en Afrique, au Rwanda, au Mozambique et maintenant en Tanzanie. Cet italien aux cheveux blancs, mi-original, mi-marginal, est une vraie encyclopédie et un fin observateur de la vie est-africaine. L'écouter relater ses expériences de vies africaines est passionnant et enrichissant. Il me raconte notamment pourquoi dans certaines régions de la Tanzanie il peut y avoir des famines alors que toutes les conditions sont réunies pour survivre.  Anciennement seul le sorgo et le millet étaient cultivés. Ce type de culture demande peu d'eau et de nutriment à la terre, pour un rendement certes limité. Pour parvenir à l'autosuffisance alimentaire le gouvernement a incité les paysans à cultiver du maïs, une céréale plus productive mais beaucoup plus gourmande en eau. En conséquence lors des années de sècheresse, la récolte est insuffisante et les habitants crèvent de faim ! Mais le maïs a meilleur goût et s'exporte mieux. Les paysans en plantent pour un revenu supérieur à court terme sans penser au risque de famine qui risque de s'accentuer avec le dérèglement climatique. Dans les villages les gens sont pauvres, mais ils ne sont pas misérables comme dans les bidonvilles autour des grandes villes où se retrouvent tous ceux qui ne peuvent plus survivre dans les campagnes ou ceux qui croient aux mirages de la vie urbaine facile.

           En route vers la Zambie, Ana, son mari et Joshua m'accompagnent en vélo. A quatre on profite de la route pendant deux jours. Bien que je passe 90% de mon temps tout seul, j’apprécie beaucoup de rouler en groupe. Je ne suis pas encore devenu associal !
Tous les trois parlent le swahili, la langue nationale, ce qui facilite les échanges avec les locaux. Je leur demande de me traduire ce que crient les enfants quand nous passons: "ballon de foot", "bonbons" ou "money". Toujours à peu près les mêmes demandes depuis que j'ai posé le pied en Afrique. Le soir au bivouac, je cuisine pour tous les quatre sur mon réchaud.
Au fur et à mesure que je vais vers le sud, la végétation est de plus en plus sèche. Joshua me montre comment font les locaux pour trouver de l'eau en période sèche. Dans les villages ne disposant pas de pompes fournies par le gouvernement ou les ONG internationales, on peut trouver de l'eau dans les mares ou les rivières asséchées. Il "suffit" de creuser un trou assez profond pour arriver jusqu'à la couche de terre ou de sable humide. Le creux se remplit d'eau filtrée par le sable en quelques minutes. Joshua m'en fait la démonstration et boit le précieux liquide. J'en fais de même en prenant la précaution de la filtrer ! Après 200km de parcours en commun mes amis tanzaniens font demi-tour et je poursuis vers la Zambie.



           L'avant dernier jour en Tanzanie je m'arrête dans une "boutique": une baraque de bois couverte de tôle rouillée avec un comptoir à l'air libre. J'achète quelques légumes et je me laisse tenter par des sucreries ressemblant à des sucres d'orge colorés en rouge ou blanc dans des grands bocaux. Quatre bâtonnets, deux rouges et deux blancs, pour 20 cts, je me fais plaisir pour un prix dérisoire. A peine sorti du magasin je goûte un bâtonnet blanc. Je m'attendais à une saveur sucrée, mais c'est un goût dégueulasse de terre argileuse qui envahit ma bouche! Je crache immédiatement ce résidus terreux. Je viens de manger un "bonbon de terre" fait d'huile, de sel et de boue. J'en avais entendu parler par des voyageurs qui étaient passés par Haïti après le tremblement de terre de 2010. En période de disette ces "galettes de terre" élaborées dans des conditions d'hygiène déplorables sont un moyen de se remplir l'estomac pour les plus pauvres.
Je jette ces "friandises" dans un champ proche de la route.
La pire expérience culinaire de mon voyage !

          Un peu plus loin je trouve de la canne à sucre en vente à même la route. Enfin un goût agréable dans la bouche après avoir grignoté avec les dents la peau dure de la canne et mordu dans la fibre pour en aspirer un jus délicieusement sucré.

         En m'approchant du lac Malawi je passe à côté de nombreux villages traditionnels composés de cases en briques de terre crue et toit en roseau. Dans ces villages de brousse les bœufs à longues cornes ou watusi ont remplacé les zébus. Plus dodu et plus majestueux que leurs semblables à bosse ils me regardent paisiblement passer. Près des zones marécageuses, les tanzaniens cultivent du riz qu'ils font sécher sur de grandes bâches tout près de leur maisons.




























         Un soir d'orage, je me mets à l'abri dans une gargotte pour siroter ma dernière bière "Kilimandjaro".
Demain je passe en Zambie. J'évite le Malawi, un pays qui, aux dires d'autres cyclistes ne vaut pas vraiment pas le détour. D'autant que le visa coûte 100€. Une bien trop grosse somme pour traverser en quelques jours un des pays les plus pauvre du monde.





Statistiques

Distance : 1589 km
Nb jours : 15
Nb jours de vélo : 12
Nb jours de repos : 3
Etape la plus longue :  155 km
Etape la plus courte :  93 km

Total depuis le début

Distance : 65628 km
Nb jours : 940
Nb jours de vélo : 639
Nb jours de repos : 301
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 5130m, Abra Azuca, Pérou
Crevaison : 21
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -15°C ( Utah, USA)

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