28/12/2017

Mexique : aux portes de l'Eldorado

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29/10/2017 - 22/12/2017 ; Chetumal - Palenque - Oaxaca - Guadalajara - La Paz - Tijuana

Arriver au Mexique c'est de nouveau avoir accès à la corne d'abondance ! Des stands de tacos, quesadillas et burritos à tous les coins de rues, mais surtout des grands supermarchés avec des produits à prix "européen". Les yaourts, les céréales, la pâte à tartiner, ... sont au même prix qu'en France. Je n'avais plus connu ce luxe depuis ma sortie de l'Europe en août 2015. Fini le paquet de céréales au chocolat à 7€, le mini pot de yaourt à 2€, le Nutella à 10€ les 200g, ... Quel bonheur. J'ai dû passer presqu'une heure dans le premier supermarché Walmart que j'ai trouvé lors de mon arrivée à Chetumal, ma première ville mexicaine. Je ne savais plus où donner de la tête. Trop de choix ! J'ai opté pour un classique : bière Corona, cacahuètes et une boîte de 8 muffins. Délicieux après des mois de consommation locale.

C'est la période de la Toussaint, de la fête des morts. La célébration, différente de ce qui se fait en Europe, est bien plus festive. Ce n'est pas un rassemblement triste où tout le monde pleure. C'est une fête qui dure plusieurs jours, pendant lesquels les  mexicains  se déguisent en jouant de la musique. Les autels aux couleurs éclatantes recouverts d'offrandes et de photos des défunts fleurissent aux abords des cimetières où à proximité des calvaires qui jalonnent ma route. On y voit aussi des "épouvantails macabres" un peu partout dans les villages. C'est un mélange curieux de culture chrétienne et indigène.

Tout semble parfait dans ce pays. Je traverse les provinces de Quintana Roo et Campeche avec le vent de dos. Je dors chez les pompiers ou aux postes de la Croix Rouge.
Ma première nuit je l'ai passée dans un poste de contrôle de la tuberculose bovine posé au bord de la route à l'entrée d'un petit village. Juan, un homme d'une soixantaine d'années était tout seul dans sa guitoune. Après quelques mots il m'autorise à dormir dans le mini dortoir juste équipé d'un lit superposé qui lui sert de salle de repos. Je prends une douche, je me cuisine un peu et je discute quelques heures avec lui. Il travaille par roulement de 48h et s'occupe de vérifier et de signer ou non les permis de transit des bovins. Il y a plusieurs mois des gangsters ont dérobé tout le matériel informatique de la station ainsi que la télé. Et depuis, il passe toute sa vacation seul sans aucun divertissement. Il ne voit plus de près et ne peut lire que les gros titres du journal. Ma visite casse son ennui. En effet, il se trouve sur un axe où il y a très peu de passage et donc quasiment pas de boulot. Rien à faire pendant 48h ! Dur mentalement. Le lendemain aux aurores je reprends mon chemin après avoir chaleureusement remercié Juan.

Pour varier la routine culinaire d'Amérique centrale (riz, haricots, poulet) je remplis mon estomac avec de merveilleux tacos de poulet, chorizo, al pastor ... et un soda. C'est tellement peu cher: un tacos coûte entre 4 et 10 pesos (0.20€ ou 0.45€) accompagné de sauce piquante verte qui paraît toute douce mais qui se révèle explosive si on en abuse. Une bouteille de 3L de coca coûte 24 pesos (1€). D'ailleurs les Mexicains qui ont toujours une bouteille à portée de main, ne s'en privent pas. Je peux largement me permettre de boire 1.5L de soda par jour. Je l'élimine avec facilité. Mais pour un sédentaire c'est autre chose. Beaucoup de mexicains sont en surpoids. Tacos plus soda: pas très sain comme nourriture ! C'est le cocktail qui conduit à une progression permanente de l'obésité dans les campagnes mexicaines.




En arrivant dans la province du Chiapas j'ai l'impression d'être au Guatemala: la culture, la jungle, les gens, la nourriture, une sensation de déjà vu. Les montées infernales sous une température de 35°C sont les mêmes !  Dur dur ! La vie de cycliste. En revanche je ne vois plus de femmes faisant des tortillas à la main sur leur étal dans la rue. La fabrication y est mécanisée.

Je ne visite pas les ruines de Palenque et Tonina. Intéressant et joli mais j'ai eu ma dose de ruines précolombiennes au Guatemala. En revanche, je m'arrête longuement près des magnifiques chutes "Agua Azul": une eau bleu cristalline ruisselant en cascade sur une roche calcaire.
Il y a un mois le cours d'eau arrivant à la chute s'est brusquement tari. La déforestation alentour à modifié le réseau hydrologique coupant ainsi la source d'alimentation des chutes. Les autorités ont dévié une rivière voisine pour rétablir l'arrivée d'eau sur la chute visitée chaque année par des milliers de touristes. Les habitants, pressés de retrouver les ressources qui y sont liées, ont eux-mêmes participé pelles et pioches à la main au nettoyage du lit de la rivière. Encore un exemple qui montre le résultat du gaspillage des ressources naturelles qui pénalise les pays les plus pauvres pour alimenter le marché occidental.


Le Chiapas est la terre des Zapatistas, un mouvement révolutionnaire et altermondialiste s'inspirant de Che Guevara et d'Emiliano Zapata qui revendique la restitution de territoires communaux aux populations indiennes qui en avaient été spoliées et qui s'oppose à diverses mesures tendant à faire respecter les propriétés collectives. L'homme blanc, le gringo, n'est pas toujours le bienvenu. Bien que la plupart des gens soient sympathiques et souriants, je me suis fait régulièrement insulter par des gamins (fu... you gringo ) et j'ai même eu droit à quelques jets de pierres.
A San Cristóbal de las Casas, une petite ville touristique connue pour son architecture coloniale, je me repose quelques jours. Repos ne veux pas dire farniente. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire des crêpes et d'y tartiner une épaisse couche de Nutella .

En redescendant vers la mer je rencontre quelques cyclistes venant d'Alaska et allant jusqu'à Ushuaia. Ils sont partis entre avril et juin et descendent-en suivant les saisons afin de profiter au maximum du beau temps. On discute et on échange quelques bons plans. Je retrouve également les charmes du camping sauvage sur la route menant à Oaxaca. Un pur plaisir solitaire, silencieux, en communion avec dame nature: installer sa tente, dîner, boire un café et terminer la soirée par un peu de lecture, ... Pas besoin de quémander un hébergement, de parler et de raconter pour la millième fois mon parcours. J'aime discuter, échanger mais aussi alterner avec des soirées au calme, tout seul en pleine nature.

Par une nuit venteuse, je suis réveillé brutalement par un claquement sur la toile extérieure de ma tente. Encore un peu endormi, je constate que la fermeture éclair de ma toile extérieure à lâché. Je mets rapidement un vêtement chaud et ma lampe frontale. Je tente un bricolage de fortune avec deux cailloux que je tape de chaque coté pour resserrer le zip. Au bout d'un quart d'heure qui m'a paru durer dix fois plus et quelques coups sur les doigts, la fermeture semble enfin tenir bon. Inquiet de la tenue de ma réparation, je veille de longues minutes avant de m'endormir.

Après une belle montée jusqu'à 1555m, à Oaxaca, je vais visiter les ruines de Monte Alban. Plus pour la vue que pour l'histoire. Le site Zapotec est perché à 1940m, au sommet d'une montagne. La vue en haut de ces pyramides est à couper le souffle. Je passe toute la matinée à monter sur chaque pyramide à degré sans m'en lasser. Je m'assois et je m'imagine ces peuples profitant de l'immensité qui s'étend devant moi.

Je décide de passer à l'ouest de Mexico, la capitale. Cette immense mégalopole polluée et dangereuse ne me dit rien. Pour l'éviter je roule au sud-ouest à travers une chaine de montagne avec des passages jusqu'à 3200m. Les matinées sont fraîches à cette altitude, 0°C: obligé de porter mes moufles pour ne pas me geler les mains. Fort  heureusement la route redescend ensuite jusqu'à Guadalajara. Les paysages ressemblent à l'image que l'on se fait du pays: désertique avec des cactus géants. Je traverse la zone de production du Mezcal. Un alcool fabriqué à partir de l'agave comme la tequila.
La différence ?
- Ils sont produits dans des états différents
- La tequila est distillée exclusivement avec de l'agave bleu alors que le mezcal est réalisé avec tout type d'agave
- Les processus de productions sont différents

A Guadalajara je me repose à la casa de ciclista la plus connue du pays. Elle est gérée par un collectif qui promeut le déplacement en vélo dans la ville.  Cette association permet entre autre à des gens qui ont peu d'argent de s'offrir un vélo en réparant des bicyclettes données ou récupérées chez des particuliers.
Les bénévoles proposent également d'apprendre à construire son propre vélo: en bambou ! Ils possèdent tous les outils et le savoir faire nécessaire. Il suffit d'acheter le matériel brut: le bambou, la résine, et d'y mettre une bonne dose d'huile de coude. Un partage de connaissances gratuites réalisé par des bénévoles engagés. Et c'est sans compter les dizaines de cyclistes hébergés gratuitement dans leur local. Une belle leçon d'altruisme !

Je passe trois jours dans cet énorme appartement avec douche, cuisine, wifi, ... Je répare le matériel qui a beaucoup souffert comme les zips de ma tente Hilleberg akto. Le slider s'use et la fermeture éclair ne ferme plus. J'ai plusieurs fois utilisé une pince ou deux pierres pour resserrer le slider. Cette solution a fonctionné plusieurs mois jusqu'à usure complète du zipper. La réparation n'est pas très difficile mais prend du temps. Tout mon matériel s'use à vitesse grand V. Il faut dire que je l'utilise intensivement tous les jours. Je ne pourrai jamais le revendre en disant: "je l'ai acheté il y a dix ans et il est comme neuf".








Après un dimanche à Guadalajara où j'ai fait le plein de quesadillas (chorizo, oignon, fromage) et de guacamole, je reprends la route direction la ville de Mazatlán dans l'état de Sinaloa, mondialement connue pour être la base du cartel dirigé par "el Chapo", un des plus fameux barons de la drogue mexicaine. Un cycliste mexicain rencontré sur le chemin m'a expliqué qu'il ne se sentait pas en sécurité dans cette région. Il sentait que les gens et la police le regardaient bizarrement. Il a préféré faire du vélo stop pour traverser cet état. Pour ma part je n'ai remarqué aucune animosité de la part de la population, tout s'est bien passé. Les gens ont été sympas, comme d'hab.

A Mazatlán je décide de prendre le ferry pour la péninsule de Basse Californie. Comme le ferry régulier de la compagnie Baja California ne partait que le lendemain, je traverse le golfe de Californie -la mer de Cortes- sur un ferry cargo.  J'ai opté pour la compagnie TMC qui transite tous les jours, charge voitures, camions, fret et accepte quelques passagers. 1197 pesos pour rejoindre La Paz. Ce n'est pas le luxe, il n'y a pas de cabines, juste une grande salle avec sièges et TV où se retrouvent tous les routiers. Suffisant pour moi et en plus très convivial . De plus le billet comprend la douche chaude, le dîner et le petit déjeuner. Il n'y a pas d'horaire fixes. Le bateau part dans l'après midi une fois tous les camions et autres véhicules chargés. Ensuite la traversée dure 17 heures pour arriver à La Paz dans la matinée.


Je passe deux jours à La Paz, une ville au bord de la mer de Cortez, hébergé par une famille au grand cœur, qui reçoit quasiment tous les cyclistes qui passe par là. Plus de 300 en 3 ans. Nous étions 4 cyclistes ce jour-là. Un grand merci à Tuly et sa famille pour leur générosité !

Ici le français le plus célèbre est le commandant Cousteau. Sa statue qui trône sur une plage, regarde la mer en direction de l'île qui porte son nom depuis 2009 en signe de reconnaissance pour sa lutte pour la protection de la biodiversité du Golfe de Californie.

Plus d'un millier de kilomètres pour rejoindre Tijuana dans ce désert sec, venteux et chaud qui est loin d'être inhabité. Je traverse des villes et des villages presque tous les jours. L'eau n'est pas un problème. Je n'ai jamais transporté plus de 7 litres, une quantité d'eau, largement suffisante pour aller d'un point habité à un autre. Ce sont des ranchs ou des restaurants de bord de route. Le soir je me permettais même de prendre une douche à la bouteille d'eau. Tout le long de la route numéro 1 les paysages sont superbes et varient du désert plat sans végétation aux petites montagnes hérissées de cactus géants.
Depuis la carretera austral en Patagonie je n'avais plus croisé autant de cyclistes. Entre 3 et 6 par jour. Tous allant vers le sud et la chaleur, fuyant l'hiver aux USA, pendant que moi je vais au nord l'affronter. Tous les soirs j'installe ma tente assez tôt pour profiter des couleurs magnifiques du soleil se couchant à l'horizon. Les températures ont été clémentes, pas plus de 30°C la journée. Ma nuit la plus froide fut de -1°C. Largement supportable avec mon équipement.

Quatorze jours de vent de face, de La Paz à Tijuana, 1500km de galère à se faire gifler la "gueule" par Éole !
Pourtant j'étais prévenu. Dennis un allemand, qui m'avait accompagné en Indonésie il y a dix-huit mois, m'a contacté sur les réseaux sociaux pour me conseiller de prendre le bus !
Mais non! L'entêté que je suis lui a rétorqué qu'il ne prenait jamais le bus. Il m'a traité de fou (You're a crazy guy !).
Tous les cyclistes choisissent de faire le parcours des Amériques et en particulier la route de Basse Californie dans le sens nord-sud. Avec le vent de dos, tout est plus agréable. Moi, je roule à contrevent depuis mon arrivée à Ushuaia il y a un an. Cherchez l'erreur !
"Payer 50€ pour traverser la mer de Cortes et lutter tous les jours contre ce p... de vent": voilà ce que j'aurais pu écrire juste après mon arrivée à Tijuana à la fin de la traversée de la Basse Californie. Mais j'écris cet article au chaud, à l'abri du vent, reposé. La route, la galère est presque loin. En tout cas elle n'est plus palpable. Avec cette quiétude je relativise et me dit que ce n'était pas la mort, pas si difficile: une fois terminées, les difficultés se transforment en aventure dans la bouche du voyageur. Sans ce vent de face le voyage se serait déroulé sans difficulté mis à part les quelques légères collines à gravir.


Sur cette route, non seulement les cyclistes attirés par la chaleur, mais aussi les camping-cars américains roulent vers le sud. Ils remplissent les superbes plages de la mer de Cortès, alignés comme sur un parking de supermarché.
Deux jours avant d'arriver à Tijuana, à la frontière avec les USA, je m'arrête chez Gabino.  Il n'est pas chez lui lorsque j'arrive devant sa porte. Mon téléphone ne capte pas de réseau GSM pour le contacter.
J'aperçois un voisin qui vient vers moi et me dit tout simplement:
"Tu peux rentrer c'est ouvert. Le mot de passe du wifi est sur la table".
Je contacte Gabino par Whatsapp. Il est aux USA et rentre dans la nuit.
Il me dit : mi casa es tu casa (ma maison est ta maison).
Ouuuaah, impressionnant !
Le summum de la générosité mexicaine. Plus je voyage, plus je suis émerveillé par l'altruisme des gens que je rencontre. Peu de gens sont capables d'une telle humanité. Gabino a hébergé plus de 350 cyclistes et jamais un problème.

J'écris ses mots depuis Tijuana après mes trois derniers jours de vent de face en Basse Californie. Je vais passer les fêtes de Noël à San Diego, Californie, si l'administration Trump veut bien me laisser entrer pour toucher du doigt le rêve américain.

A moi l'Eldorado !


Statistiques

Distance :  4556 km
Nb jours : 55
Nb jours de vélo : 42
Nb jours de repos : 13
Etape la plus longue :  198 km
Etape la plus courte :  43 km


Total depuis le début

Distance : 57330 km

Nb jours : 811

Nb jours de vélo : 562
Nb jours de repos : 249
Etape la plus longue : 257 km ( Australie, Nullarbor)
Etape la plus courte : 26 km
Plus haut col : 5130m, Abra Azuca, Pérou

Crevaison : 12
Rayon cassé roue arrière: 9 ( ancien vélo décathlon à 100€)
temp. max/min : 49°C ( Australie) / -10°C ( Paso San Francisco, Chili)




2 commentaires :

  1. Salut Cyril, je vais faire dans l'original, mais je suis toujours autant épaté par ce que tu accomplis. Pour ma part, je démarre début septembre après quelques projets en Europe (St Jacques de Compostelle au printemps et le tour de la France en été). J'ai hâte :D
    Ah, et "une fois terminées les difficultés se transforment en aventure dans la bouche du voyageur", que voilà une vérité formulée de manière élégante :)

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  2. Profites de la bouffe française avant de partir. Ca va te manquer.
    J'espère qu'en septembre tu ne pars pas vers l'Est car ça gèle sévère en hiver vers la Turquie, ...

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