28/07/2024

L'Europe avant la sédentarité

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 Grèce - France 13 juillet 2018 - 29 août 2018.


 

Je débarque à Athènes le 13 juillet après une escale interminable à Doha au Qatar.  Je retrouve l'Europe. C'est Alex, un jeune grec qui m'héberge pour quelques jours. Repos et rapide visite de la ville en évitant les sites connus et bondés.  Le 15 juillet nous sommes devant la télé pour la finale de la Coupe du Monde  de foot pour voir la France battre la Croatie 4 à 2. 

 

En Afrique, les 8358 km entre Nairobi au Kenya et Le Cap en Afrique du Sud ont été une expérience magnifique et un beau challenge. Des paysages et une nature incroyable, qui compensent  un parcours mentalement éreintant. A chaque arrêt pour me ravitailler en eau ou en nourriture, ou lors d'une simple pause, c'est un atroupement. Un européen qui se ballade en vélo est une source éventuelle de profit. J'ai très souvent rencontré des villageois qui entamait une discussion pour  chercher à "gratter" un peu de nourriture ou une pièce. Je devais toujours être sur mes gardes. Idem le soir au bivouac, quel que soit l'endroit, y compris le plus désert. Pas de vrais menaces mais une pression constante. En Europe, c'est l'inverse, je passe partout inaperçu. C'est à la fois reposant et déroutant, mais je m'y habitue vite.

Sorti d'Athènes, je retrouve les paysages du pourtour méditerranéen.  Tout me rappelle la Provence: l'odeur de la côte, le ciel bleu, le soleil et le chant des cigales!

 

Je suis parti depuis onze cent jours. Je  n'ai pas de grand projet pour ces deux derniers mois avant de revenir à la maison : juste passer par des pays comme l'Albanie, la Moldavie, le Kosovo, ... Je sais que les pays les moins développés, sans être péjoratif, sont les plus accueillants. 

 

Et mon expérience est encore une fois infaillible. En Albanie, je roule sur des routes de montagne quasi déserte. Avec mon maillot bleu de l'équipe de France de rugby, les villageois m'interpellent pour discuter ou me féliciter de la victoire de la France en  Coupe du Monde. Deux jours plus tard, un jeune kosovar m'offre un café et des patisseries. J'entame avec lui une longue discussion en anglais qui durera quelques heures sur les difficultés de sa vie, dans un pays pas encore reconnu ni par l'ONU et ni par l'UE. Les traces du dernier conflit sont encore visibles sur les panneaux de signalisation militaire pour réguler la circulation des chars et des camions de ravitaillement. Ils sont toujours en place quinze ans après la fin de la guerre!

 

Au Montenegro, fidèle à une habitude prise en Asie, je quitte les villes et les grands axes et je file vers la montagne. Quand il fait chaud, je roule plutôt le matin. Je fais ma pause de midi au milieu des pâturages en compagnie des vaches.

La pauvreté est visible, en particuliers dans les campagnes. Rien à voir avec le dénuement complet en Afrique. Les habitants semblent survivre dans des villages hors de toute modernité, qui n'ont pas changés depuis les années cinquante. Les complexes industriels en décrépitude après la chute de l'URSS sont abandonnés tout le long de la rive bulgare du Danube. Les villages quasi fantômes qui les entourent sont peuplés de personnes âgées. Je double et je croise des dizaines de charrettes attelées à de maigres chevaux à peine mieux nourris que leur propriétaires.  Les routes sont défoncées, pas de boulangerie ni de vendeurs de fruits frais sur le bord des routes et ... un bar par habitant ! Les champs de pommiers sont à l'abandon. J'en profite pour me servir sur les arbres du bord de la route. La Bulgarie sera pas mon pays favoris! 

Dans les plaines fertiles de Roumanie, c'est le temps des moissons. Bonne aubaine, je campe à l'écart des routes dans les champs de maïs ou de tournesol fraîchement moissonnés. 

Je tente un raccourci en Moldavie pour gagner quelques heures. Erreur! La route est défoncée et les dénivelés plus sévères que sur ma carte. Grosses fatigue, fesses endolories et peu de gain de temps! Les vendeurs de fruits et légumes qui arrondissent leur fin de mois sur le bord des routes sont super gentils. Ils m'offrent volontiers du rab: une pastèque de plusieurs kilos après avoir acheté quelques tomates pour le diner! Le seul bémol, c'est la langue. Impossible de développer une discussion. Je me contente de quelques signes et de beaux sourires.

 

 Ukraine, Slovakie. Les nids de poules que les habitants ont matérialisé avec une branche morte et un minuscule ruban rouge s'agrandissent au fur et à mesure qu'on s'éloigne des villes. Une balade dans un secteur montagneux où les villages traditionnels sont légion. C'est à ce moment là, que le soir au bivouac, j'ai le plaisir de savourer le luxe du touriste à vélo: la beauté sauvage du paysage et le calme de la nature en grignotant les fruits frais glanés dans la matinée.

Je croyais que la Slovénie était un paradis pour cycliste. Niet! Sur les axes européens, trop de camions qui crachent une fumée noire et sur les petites routes étroites trop de trafic. Je pousse sur les pédales pour m'enfuir vers l'Autriche. Le Liechtenstein sera le soixante troisième pays traversé.

Dans les pays germaniques comme l'Autriche, la Suisse, l'Allemagne, ... je suis un invisible. Plus les jours passent, plus c'est vrai, ma barbe est épaisse et mes vêtements usés. Je dors dehors depuis plusieurs dizaines de jours. Pas de vrai douche. Je me lave dans les rivières quand j'en trouve une accessible ou avec une bouteille d'eau. Je lave mes vêtements chaque jour à la main mais ça ne vaut pas une bonne machine à laver. Je suis ni propre ni sale. Un aspect qui ne donne pas envie aux gens que je rencontre de m'aborder. Je suis différent, pas socialement acceptable! Dans cette société de la méfiance j'ai la sensation que tous le monde m'évite.

 J'ai quand même bien apprécié ces deux mois en Europe. Tout est facile. Je suis les petites routes, sans trafic avec des gens respectueux du cycliste. La nourriture est accessible. Trouver un endroit pour dormir n'est jamais trop difficile, il me suffit de traverser un ruisseau ou de m'installer derrière un bosquet. Je suis seul, je me balade "sans feu ni lieu" comme un vagabond , je suis en vacances !

 

Je rentre en France par l'Alsace. Une nouvelle carte SIM, ce sera la dernière. Après cinquante trois jours sans repos, je ressens une énorme fatigue. Dans les Vosges, je commence à avoir de la fièvre et des courbatures. Ce n'est pas la première fois pendant ce voyage. Je sais que je dois ralentir un peu la cadence et attendre que ça passe. Je raccourcis les étapes en attendant d'affronter les cols alpins. Le dernier défi avant de retourner en Provence.


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